Le VIH/Sida au Burkina Faso

Progrès médicaux et difficultés sociales

Von Diallo Djénèba, Traore Arouna und Viviane Fischer

Sous le titre «si les mères vont bien, les enfants vont également bien», IAMANEH Suisse apporte son soutien à des actions visant à améliorer la santé des femmes et des enfants. Au Burkina Faso, elle collabore depuis 2000 avec l’association AMMIE (Appui Moral, Matériel et Intellectuel à l’Enfant) dans le cadre d’un projet permettant d’améliorer les conditions de vie et donner des perspectives à des filles mères et leurs enfants.

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Malgré une évolution positive de la prévalence du VIH/SIDA au Burkina Faso, la majorité des personnes touchées par l’infection sont des femmes. Dans ce contexte, les filles mères représentent un groupe particulièrement vulnérable. En effet, une fille mère infectée souffre d’une double stigmatisation: de part l’infection du VIH/SIDA et de par son statut de fille mère. Une prise en charge globale est nécessaire, qui prenne aussi en compte la (re)valorisation du rôle de la femme, au sein de sa famille et de la société.

Evolution de la lutte contre la pandémie du VIH/SIDA au Burkina Faso


Depuis 1996, les progrès dans le domaine de la thérapeutique antiretrovirale (ARV) se sont traduits par un changement clinique majeur et très rapidement perceptible avec une réduction de près de 80% du nombre des décès, du nombre de cas de sida et de l’incidence des infections opportunistes. Les HAART (Highly Active Antiretroviral therapy) ont radicalement transformé le pronostic d’une infection rétrovirale, dont l’histoire « naturelle » était létale chez plus de 90% des malades, en une infection chronique n’entraînant pas un déficit immunitaire significatif. L’accès à la trithérapie est une réalité aujourd’hui dans les pays à faible revenu depuis la Session extraordinaire de 2001. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime ainsi que l’extension de l’accès aux traitements a permis d’éviter entre 250 000 et 300 000 décès entre 2003 et 2005 dans ces pays.

Le Burkina Faso compte parmi les pays où on assiste à une baisse de la prévalence avec une stabilisation de l’infection de 2001 à nos jours. La prévalence était estimée à 6,5% en 2001 et est de 2% depuis 2006. Ces progrès sont à l’actif de l’implication effective des autorités politiques à travers le conseil national de lutte contre le sida et les IST (CNLS/IST) et la forte mobilisation communautaire.

Plus de 50 structures de santé, reparties sur toute l’étendue du territoire, font la prise en charge médicale avec dispensation des ARV. De plus, une centaine d’associations et ONG de lutte contre le sida interviennent dans la prévention et certaines mêmes offrent la prise en charge globale des patients, avec prescription d’ARV.

Vulnérabilité sociale et économique des femmes porteuses du VIH/Sida

Les femmes sont les premières à faire le dépistage du VIH/Sida et la majorité des malades dans le pays est constituée de femme (67,8%). Ces femmes sont pour la plupart très jeunes, avec un âge moyen de 26 ans et sont régulièrement confrontées à des problèmes de stigmatisation. Plus de la moitié est veuve ou célibataire, posant le problème de procréation et d’intégration dans la vie sociale (mariage, épanouissement économique). La plupart désirent se marier ou se remarier et avoir des enfants pour satisfaire à ce devoir social mais malheureusement, du fait de leur statut, aucun partenaire ne veut s’engager avec elles. Certaines ont été rejetées par leurs propres parents, d’autres par leurs conjoints car accusées d’être la source de contamination. Elles sont donc répudiées soient de la famille paternelle ou du domicile conjugal, souvent dépossédées de tous les biens au décès du conjoint. Sur le plan économique, elles sont également très vulnérables. Nombreuses sont celles qui n’ont aucun revenu et donc éprouvent d’énormes difficultés pour s’alimenter, se soigner et subvenir aux besoins de bases.

Les filles mères: un groupe particulièrement vulnérable

La stigmatisation ne concerne cependant pas uniquement les femmes porteuses du VIH/Sida. En Afrique, avoir des enfants hors mariage est perçu par la communauté comme une honte et une fille qui tombe enceinte est généralement rejetée par sa famille. «Si tu as un enfant sans être mariée, les gens te considèrent comme une personne de mauvais caractère; une vaurienne; tu peux plus avoir un foyer,» explique Mariam, jeune fille mère qui fait partie du projet AMMIE (1). Le nombre de filles mères est cependant élevé et s’explique par l’environnement économique et social: la grande pauvreté et le manque de connaissances et d’information, surtout en ce qui concerne la planification familiale et la sexualité. Dans cette lutte pour la survie, les jeunes filles cherchent par tous les moyens à subvenir à leurs besoins fondamentaux et les relations sexuelles sont souvent perçues comme une opportunité. Les conséquences sont cependant dramatiques pour leur santé : maladies sexuellement transmissibles (MST), VIH/sida, avortements clandestins dans de mauvaises conditions, avec de graves séquelles ou aboutissant parfois à la mort. Celles qui n’ont pas pu avorter se retrouvent sans assistance, souvent rejetées par leurs familles, avec des enfants non désirés et dont la paternité est souvent contestée. Elles se retrouvent dans des situations encore plus précaires et leurs enfants sont à leurs tours exposés à la malnutrition, aux maladies, à la sous-scolarisation et à la délinquance. Mariam constate: «Il y a des gens qui regardent les filles mères comme des poubelles et ils ont raison; tu es dans la souffrance, tu n’as pas à manger, tu t’habilles mal, les gens ne peuvent pas te respecter»

La pandémie du sida contribue à assombrir davantage ce tableau et fragilise d’autant cette couche de la population très vulnérable: une fille mère qui est aussi infectée par le VIH/sida souffre d’une double stigmatisation: de par la maladie et son statut social.

Une prise en charge globale des filles mères

A Ouahigouya, au nord du Burkina Faso, l’association AMMIE est leader dans la lutte contre ce fléau et la prise en charge des personnes infectées par le VIH (PVVIH). Elle dispose d’un centre de dépistage volontaire anonyme et d’un centre médical de prise en charge des PVVIH. Le nombre total de malades suivis était de 1168 à la fin du premier trimestre 2008, avec 445 sous traitement ARV.

À côté du centre de dépistage volontaire anonyme et de prise en charge médicale des PVVIH, l’association AMMIE a mis en place en collaboration avec IAMANEH Suisse un projet spécifiquement destiné aux filles mères. Ce dernier contribue à travers différentes activités à l'amélioration de la situation de vie des filles mères et de leurs enfants, ainsi qu'à la prévention de telles situations. 50 filles mères participent pendant 3 à 5 ans au programme qui s’appuie sur 3 volets : la prévention et prise en charge médicale, la formation (élémentaire et professionnelle) et l’intégration économique. L’objectif est d’amener ces filles en situations difficiles et exposées à se protéger contre les maladies sexuellement transmissibles (MST) et le VIH/sida et leur donner des perspectives pour l’avenir par la mise en place d’activités génératrices de revenus et d’un suivi professionnel. Un appui important revient aussi à leurs enfants pour la scolarisation et l’alimentation. «Moi, avant, je voulais faire du commerce mais je n’avais pas d’argent, mais grâce à AMMIE, je le fais maintenant. Je n’avais pas les moyens pour m’occuper de mes enfants…»

La valorisation sociale des femmes : la clé de la réintégration


L’autonomie financière des participantes par l’acquisition d’un revenu joue un rôle important dans la valorisation sociale mais n’est cependant pas suffisante pour une réintégration sociale. La revalorisation du rôle de la femme passe aussi par une amélioration de son statut, aussi bien dans la société que dans la famille. Une part importante du projet concerne ainsi aussi des activités de sensibilisation destinées à un public élargi sur la problématique des filles mères et des personnes vivant avec le VIH/SIDA.

Au-delà des connaissances, attitudes et pratiques dans le domaine de la santé de la reproduction et des activités génératrices de revenu, le projet a d’autres effets sur les bénéficiaires et sur la communauté dans laquelle elles vivent. Il permet de modifier non seulement le regard et la perception que les autres ont sur les filles avant leur prise en charge mais également la vision qu’elles ont d’elles-mêmes. De participer à un projet au sein d’un groupe vivant des problèmes similaires renforce aussi la solidarité entre ses membres. L’estime de soi et la confiance en soi sont améliorées et la vision de l’avenir change de façon positive. «Grâce à AMMIE, ce n’est pas la peine de quitter la ville. Ce projet nous aide beaucoup et nous avons eu un changement dans nos vies. C’est les hommes même qui vont courir derrière nous,» déclare Fanta.

(1) Toutes les citations sont tirées d’interviews réalisés avec des filles mères dans le cadre d’une évaluation externe

*Mme Diallo Djénèba est la coordinatrice du projet «Filles – mère » mis en place par AMMIE en collaboration avec IAMANEH Suisse à Ouahigouya. Contact: ammie@fasonet.bf


Dr Traore Arouna est le médecin responsable du centre de dépistage et de prise en charge médicale des PVVIH d’AMMIE à Ouahigouya .Contact: ammie_ohg@yahoo.fr


Viviane Fischer est chargée de programmes d’IAMANEH Suisse à Bâle. Contact: vfischer@iamaneh.ch