Trouver la voie la plus prometteuse

La formation dans la coopération avec nos partenaires

Von Beat Stoll

Les membres de Medicus Mundi Suisse partagent tous la conviction que la promotion des soins de santé primaire dans le sens de la déclaration d’Alma Ata contribue à une amélioration de l’état de santé des populations défavorisées. C’est la raison pour laquelle la plupart des organisations non-gouvernementales (ONG) orientent leurs activités dans ce sens. Avec la responsabilisation et l’autonomie croissantes des collaborateurs locaux, la question de la formation (formation de base, post grade ou continue) apparaît comme centrale dans l’aménagement d’une coopération avec des partenaires dans des pays à faible revenu.

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L’épidémie du SIDA a entravé bien des programmes de coopération car elle a touché particulièrement les élites. Introduire systématiquement la formation comme un élément clé pour assurer la relève devient donc crucial. Essayons de résumer brièvement les divers cas de figure qui caractérisent les voies de formation professionnelle dans des pays à faible revenu :

Formation par « compagnonnage » : La plupart des coopérants du Nord l’ont pratiquée durant des années et non sans succès. Combien d’hôpitaux n’ont-ils pas fourni pendant des années des prestations de qualité grâce à des infirmiers « chirurgiens » ou « accoucheurs », formés sur le tas par des opérateurs chevronnés ayant séjourné pendant un ou deux ans en Afrique ? Aujourd’hui, où la plupart des pays ont instauré non seulement une législation quant aux exigences du droit de pratique dans le domaine de la santé, mais aussi des curriculums de formation dans le pays, le « compagnonnage » montre ses limites.

Formation dans une école locale: Nombreuses sont devenues les possibilités de suivre des formations de base dans les pays, surtout dans le domaine des soins infirmiers. Certaines écoles ont été fondées par des organisations religieuses ; leur accès reste équitable et leur programmes sont pertinents. Recourir à ces structures de formation favorise leur développement ; les coûts liés à de telle formation restent souvent par ailleurs modestes pour les ONG. De plus, la personne diplômée de l’école dispose d’une formation reconnue qui lui permet de travailler aussi ailleurs dans le pays ou de progresser sur l’échelle des salaires. En revanche, les aspects de la formation post grade et continue sont souvent négligés, voire inexistants. La crise économique sévissant dans la plupart des pays pauvres, menace la qualité de l’enseignement (enseignants non-payés, manque de matériel didactique).

Formation dans une école à l’étranger: Offrir une formation à l’étranger permet à un collaborateur de découvrir de nouveaux horizons, de vivre dans un environnement stimulant et d’augmenter son réseau de connaissances. En revanche, cette voie a un prix élevé (frais de formation et coûts de la vie). S’il s’agit d’une formation de base, l’ONG doit trouver un financement pour des périodes de quelques années. On doit considérer le risque que la personne formée s’installe ailleurs plutôt que de revenir dans son pays (« brain drain »). Le nouveau diplôme peut donner accès à un marché de travail mieux rémunéré ce qui de toute évidence permet un meilleur soutien de la famille restée dans le pays. Par ailleurs, une formation à l’étranger ne signifie pas forcément une formation en Europe ! Dans le domaine de la médecine, des pays comme le Bénin, le Cameroun, le Ghana, le Mali ou encore le Sénégal offrent dans des domaines spécifiques de la médecine des formations de qualité. Elles sont aussi pertinentes par le fait qu’elles se réfèrent à un contexte de travail similaire duquel se trouve l’étudiant (cf. www.healthtraining.org).

Formation post grade continue de type « modulaire » à l’étranger: Une variante intéressante est sans doute la formation post grade continue de type modulaire durant laquelle l’étudiant fait plusieurs « va-et-vient » entre son pays et les lieux de formation. La personne se trouve dans des contextes différents du sien, augmente son réseau de connaissance et étudie dans le cas idéal les domaines les plus pertinents pour lui. Les coûts sont semblables à ceux d’une formation « fixe » mis à part les coûts de voyages supplémentaires dus aux déplacements divers pour suivre les modules. Le risques du « brain drain » est moindre parce que la personne garde en principe son insertion dans son pays. Une difficulté peut consister dans le besoin d’adaptation à chaque nouveau cours ainsi qu’au manque de cohérence pédagogique entre les divers modules suivis. La maitrise en santé internationale proposé par le réseau TropEd (www.troped.org) est un exemple de ce type de formation, réunissant en son sein les compétences de plus de 20 universités en Europe dans les divers domaines de la santé internationale.

Formation à distance: Grâce aux nouvelles technologies d’information et de communication, les programmes de formation à distance sont de nouveau très en vogue. Bientôt plus un domaine médical sans un ou plusieurs programmes de formation à distance. Il est vrai, ceci évite tout déplacement pour le candidat, et lui ouvre la voie aux connaissances scientifiques les plus récentes. Malheureusement, la charge de travail nécessaire pour réussir un diplôme à distance est souvent sous-estimée. Se former tout en assumant la charge de travail habituelle devient rapidement une tâche impossible. De plus, les conditions techniques comme l’équipement informatique de base ou encore des lignes de transmissions de données de qualité et stables, ne sont pas encore acquises dans la plupart des pays à faible revenu. Apprendre exclusivement à distance demande une grande rigueur de la part de l’étudiant qui manque d’un environnement stimulant. Le taux d’abandon en cours de formation est plus élevé que dans les curriculum plus classique. Les ressources ainsi investies seront alors perdues.

Formation à distance modulaire: Un dernier type de formation consiste en un curriculum utilisant principalement le champ d’action de l’étudiant tel que par exemple le diplôme de santé publique (www.imsp.ch/dsp) le propose. Le candidat apprend son nouveau métier en cohésion et selon ses besoins. Le fait de progresser dans un groupe assure une dynamique favorable à l’apprentissage. Le risque du « brain drain » est quasi écarté. Les candidats se voient plutôt promus à des nouveaux postes dans le contexte habituel. En revanche, les coûts et le temps nécessaires liés à un tel parcours sont élevés. Cette formation nécessite plusieurs « va-et-vient » entre le pays de résidence et le centre de formation pour suivre des cours de base et pouvoir échanger sur ses projets. L’étalage de la formation dans le temps permet la construction de projets bénéficiant des nouveaux réseaux de connaissance acquis au cours des études. A notre connaissance, ce type de formation cible pour l’instant essentiellement le domaine de la santé publique. Les parcours pour d’autres domaines cliniques seront sans doute possibles mais restent à construire.

Nous avons voulu démontrer qu’une analyse des possibilités de formation doit être faite afin d’identifier la voie la plus prometteuse tant pour le projet que pour l’ensemble du système de santé. Cela signifie une discussion approfondie avec la personne à former, les décideurs sur place et d’autres personnes disposant d’une expérience en la matière.
Le parcours que nous connaissons le mieux n’est pas toujours le plus pertinent pour nos collaborateurs : avantages et éventuels obstacles doivent être pondérés. Une formation reconnue par un diplôme offre des nouvelles possibilités pour les coopérants sur le terrain, comportant évidemment le risque de tenter sa chance ailleurs.

En même temps, plus les professionnels de santé avec une bonne formation sont nombreux, plus le système de santé entier en profite. On peut espérer que les cycles de formation continue pourront émerger pour assurer la qualité professionnelle sur le long terme. Finalement, ce que nous souhaitons, c’est que les personnes formées deviennent des professionnels de la santé, capables de promouvoir les soins de santé primaire. Ces professionnels vont donc contribuer non seulement à une meilleure réalisation des projets, mais aussi façonner les projets par leur regard critique, pour réajuster et améliorer l’état de santé des populations.

* Beat Stoll est un médecin de santé publique qui travaille à l'IMSP de l'Université de Genève, principalement dans le domaine de la formation continue des professionnels de la santé (diplôme de santé publique, prévention alcool en médecine générale). Par ailleurs, il est membre du comité de Medicus Mundi Suisse. Contact : beat.stoll@imsp.unige.ch.