Programme SIDA/Cochabamba

Défense des droits des personnes infectées par le VIH/sida

Von Anne Saudan und Edgar Valdez

Au coeur de la Bolivie, Cochabamba, ville chaotique d'un demi-million d'habitants, qui se débat entre tradition et modernité. Il y a déjà 12 ans, le premier cas de HlV/sida en Bolivie fût notifié dans cette ville. Depuis... rien, ou si peu. 12 ans de retard pendant lesquels la discrimination et le rejet se sont développés.

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En Bolivie, I'épidémie HlV/sida se propage, les chiffres stagnent, non pas par maîtrise du phénomène, mais bien plutôt par sa négation. Les autorités se contentent de chiffres qui ne correspondent nullement à la réalité (254 cas de VIH/sida officiellement notifiés pour l'ensemble du pays, la plupart du temps diagnostiqués en fin de vie). La forme de transmission la plus fréquente est la voie sexuelle (92.1%), suivie de loin par les transfusions sanguines (5.5%) et la voie périnatale (2.4%). 73% des cas sont des hommes et 27% des femmes.

Le programme SlDA/Cochabamba a débuté en novembre 1995, soutenu financièrement par Terre-des-Hommes et l'organisme d'envoi de volontaires E-Changer. Le Programme était composé de deux volets, I'un de recherche avec deux enquêtes auprès de la population générale et du personnel de santé en vue de définir un temps 0, et un volet de prévention auprès de la population générale de 14 à 49 ans.

Dès le début, la constatation de violations répétées des droits des personnes en relation au VIH/sida nous ont interpellé:

  • la publication dans le journal de la liste complète des malades avec diagnostic de VIH/sida du Département, avec initiales, âge, profession, orientation sexuelle, etc., document officiel remis par les autorités en charge de la prévention du VIH/sida aux journalistes.
  • divers articles de journaux mentionnant les noms complets des séropositifs, parfois même avant la confirmation du test.
  • I'obligation de faire (et de payer) le test du VIH/sida pour entrer à l'université.
  • exigence du test de VIH/sida pour tout étranger voulant résider plus de trois mois dans le pays.

Toutes ces mesures sont largement acceptées, au nom d'une "protection" bien illusoire de la population "saine". Cependant, dans un tel contexte, les personnes ayant vécu des situations à risque n'ont que peu d'intérêt à recourir à un service de santé. Au contraire, tout est fait pour les pousser dans la clandestinité (dénonciation, non respect de l'anonymat, poursuites quasi policières). La discrimination entrave les efforts de prévention et contribue ainsi à la propagation de l'épidémie.

La Bolivie, comme beaucoup d'autres pays, a signé plusieurs conventions et traités internationaux. Son programme national de lutte contre le VIH/sida est basé sur les recommandations d'ONUSIDA (UNAIDS). Le pays s'est doté d'une Résolution Ministérielle (Résolution Secrétariale No. 0660 du Ministère du Développement Humain) qui sert de base légale pour la protection des personnes avec le VlH/sida. Dans la pratique, cependant, rien n'est appliqué, faute de ressources économiques, de motivation et de connaissance de ces documents.

Quelques mois après notre arrivée, le Programme SlDA/Cochabamba, grâce à l'appui de Medicus Mundi Suisse, a intégré un volet des "Droits des personnes infectées par le VlH/sida" dont les objectifs sont les suivants:

  • Faire la promotion des droits des personnes concernant la qualité des soins offerts (confidentialité, respect des droits de tout malade, anonymat, prise en charge et suivi).
  • Orienter toute personne sur la législation en rapport au VIH/sida
  • Offrir un appui juridique et légal à toute personne dont les droits ne sont pas respectés.
  • Surveiller le respect de la Résolution Secrétariale 0660 pour la prévention et le contrôle du VIH/sida à Cochabamba.
  • Diffuser largement la Résolution Secrétariale 0660 auprès du personnel de santé, des juristes et des médias.

Les activités réalisées cette année dans ce domaine ont été les suivantes:

  • intégration du concept de Droit des Personnes infectées par le VlH/sida dans toutes les interventions auprès des médias, ainsi que dans toute session d'information et de réflexion réalisées auprès de divers groupes.
  • édition et distribution gratuite de la Résolution Secrétariale No 0660 auprès des médecins, juristes, médias et toute personne intéressée.
  • réalisation de 2 séminaires sur "Éthique, Droits de l’Homme et aspects juridiques du VIH/sida", à 6 mois d'intervalle, ouverts au personnel de santé, juristes, médias et à toute personne intéressée. Ces séminaires ont eu un véritable succès, touchant chaque fois plus de 200 personnes, représentant plus de 50 institutions.
  • appui et conseils pour la réalisation d'une cassette vidéo sur le thème de la discrimination des personnes vivant avec le VIH à Cochabamba.
  • intégration des autres institutions dans la lutte contre la discrimination et marginalisation des personnes touchées par le VlH/sida (Conférence Episcopale de Bolivie, Assemblée permanente des Droits de l'Homme, Ministère de la Justice, médias et Ministère de la Santé).

La stratégie établie pour les prochaines années tient compte du fait que le volet "Droits de l'Homme en relation au ViH/sida", représente le pied de voûte du programme qui va garantir le succès de l'effort de prévention auprès de la population générale.

*Dr. Edgar Valdez et Anne Saudan travaillent pour le Programme de Prévention SIDA à Cochabamba, Bolivie.