Leçons pour le Nord et le Sud ?

Allocation de ressources et définition de priorités dans le secteur de la santé

Von Thomas Vogel

Chacun le sait, dans le secteur de la santé comme ailleurs, les moyens sont limités. On entend alors l’exclamation suivante : « On ne peut pas tout faire ! ». Mais lorsque l’on fait ce constat, peut-on s’arrêter, là ? A l’évidence, non ! Car l’allocation de ressources signifie qu’il faut procéder à des choix, établir de façon acceptable des préférences, des priorités, entre différentes alternatives concurrentes. Il faut trouver un compromis acceptable pour les parties prenantes, pour les prestataires, pour les bénéficiaires et pour les décideurs...

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Allouer des ressources ce n’est pas « distribuer de l’argent ». Allouer des ressources c’est mettre en place un système de répartition des moyens, qu’ils soient financiers, matériels ou humains. C’est comprendre comment les différents comportements vont être influencés par telle règle, par tel modèle de financement ou encore telle croyance, comment la production de santé peut être influencée pour atteindre un bénéfice sanitaire maximal.

Allouer des ressources ne signifie donc pas uniquement financer des services, des soins ou des projets. Allouer des ressources signifie en d’autres termes :

  • s’interroger sur les sources de revenus, la collecte de fonds, sur les montants collectés, sur leur provenance, leur pérennité et leur périodicité
  • s’interroger sur les financements alternatifs
  • s’interroger sur l’attribution des fonds à différents services, soins ou projets
  • s’interroger sur les systèmes de rétribution des différents acteurs et les conséquences sur le fonctionnement du système
  • s’interroger sur l’organisation du système de santé, sa structure, son financement, les services proposés.

L’allocation de ressources a donc pour ambition de tirer le meilleur de chaque structure, de chaque compétence et de chaque franc. Faire en sorte qu’un système de santé produise le meilleur niveau de santé pour sa population en tenant compte de toutes les contraintes existantes.

Ainsi pour allouer des ressources de façon rationnelle, il faut au préalable comprendre le système de santé en place, identifier les besoins de soins et de santé de la population bénéficiaire et définir des priorités d’action.

A l’échelon d’un pays cela signifie adopter une stratégie sanitaire qui comprenne une évaluation des besoins de la population, un inventaire des ressources existantes, une compréhension, voire une modélisation, du fonctionnement du système de santé qui permettent de définir clairement les buts à atteindre en fonction des moyens disponibles ou à acquérir. A ce niveau, on recherchera une efficacité allocative (allouer les moyens aux services et aux soins les plus efficientes).

Pour toute autre organisation qui intervient dans un système de santé cela signifie mieux comprendre les besoins de soins et de santé auxquels elle peut répondre et auxquels elle répond, mieux connaître les compétences et les ressources dont elle dispose et cerner l’environnement dans lequel elle évolue. A ce niveau, on recherchera une efficacité technique (faire le maximum avec les moyens dont on dispose).

Les objectifs à tous les échelons sont également de supprimer les problèmes d’accès et de renforcer l’éducation et l’information des populations bénéficiaires, d’identifier les prestations qui répondront aux besoins de la population et d’adapter les structures et le système à la fourniture de celles-ci.
Cette problématique d’assurer un accès égal aux services de soins et de santé pour toute la population est commune aux pays qui en ont les moyens.

Pour la plupart des pays en voie de développement, cependant, le problème est bien plus aigu, les choix plus cornéliens. Les questions que ceux-ci doivent se poser sont :

  • quelles populations bénéficieront de services et de soins de santé ? quels seront les exclus des prestations financées par des fonds publics ?
  • quels seront les services et les soins de santé proposés ? lesquels le seront pour tous, lesquels ne le seront pas ? Comment rendre acceptable cette ségrégation ?
  • quelles sont les pathologies, quels sont les besoins objectifs et quels sont les besoins perçus qui seront pris en charge par le système de santé ?

On le voit : bien que les questions se posent de façon plus ardue dans les pays en voie de développement, les pays du Nord peuvent bénéficier très largement des expériences réalisées dans ces pays. D’autant plus que pour répondre à toutes ces questions, la théorie nous recommande de nous appuyer sur des données probantes : choisir les traitements les plus efficaces, traiter les maladies les plus lourdes pour la société, financer des prestations de qualité. Alors que force est de constater que ces données ne sont souvent pas disponibles. Pourtant, même dans ces cas là les décisions doivent être prises...

*Introduction au sujet du Symposium 2003, « La meilleure santé possible avec l'argent disponible » , par Thomas Vogel, économiste de santé, membre du comité de Medicus Mundi Suisse. Contact : thomas.vogel@advimed.com