Un contrat pour la Santé

Partenariats avec les prestataires non gouvernementaux de services de santé

Le Conseil exécutif de l'OMS a discuté, lors de sa session du janvier 2001, le projet d’une résolution présenté par le Tchad et intitulé "Partenariats avec les prestataires non gouvernementaux de services de santé". La très grande majorité des pays ont soutenu le projet proposé, et pourtant le résultat final a été de ne pas l’adopter et de reporter son examen à la prochaine session du conseil exécutif. Mais ce serait une erreur de considérer ce résultat comme un échec.

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Un rapport par Medicus Mundi International (MMI)

Lors de l'Assemblée Mondiale de 1999, Medicus Mundi International avait présenté dans une réunion technique présidée par le Ministre de Santé du Ghana une prise de position concernant le rôle des ONG au niveau du district sanitaire de sorte à permettre une meilleure relation et collaboration entre les ONG prestataires de service de santé et les autorités administratives du district sanitaire. Plusieurs délégués avaient assisté à cette réunion et rapidement il est apparu la nécessité d'élargir la portée de l’initiative de telle sorte qu'elle puisse englober l'ensemble des acteurs de la santé dans un pays donné et envisager tous les cas de figure des relations contractuelles. Le Tchad a pris l'initiative de rédiger et présenter à l’OMS un projet de résolution qui s'inscrit dans cette logique.

Dans la session du Conseil exécutif de l’OMS du janvier 2001, le Tchad a présenté finalement le projet d’une résolution intitulé « Partenariats avec les prestataires non gouvernementaux de services de santé ». Les débats ont été très riches et très intéressants; 25 pays sur les 32 qui composent le conseil exécutif se sont exprimés, ce qui est un taux très élevé, attestant bien de l'importance du sujet.

Lors de cet examen par le conseil exécutif, les débats ont porté presque exclusivement sur les ONG et leurs rôles dans la prestation de services de qualité. Si tous ont reconnu qu'il était important de considérer le travail accompli par les ONG, certains délégués ont aussi souligné les travers de certaines d'entre elles: travail en isolation, objectifs spécifiques en contradiction avec la politique nationale de santé, contournement de l l'État, etc. Ces délégués ont aussi rappelé la nécessité pour l'État de contrôler l'action des ONG de sorte à éviter les dérives néfastes. Or, si ces remarques renvoient à des situations malheureusement bien réelles, le texte de la résolution avait précisément pour objectif de les éviter. En effet, la résolution insiste sur la nécessité que les acteurs de la santé partagent la vision de mission de service public (telle que définie en départ par MMI), que les arrangements contractuels soient systématiquement précédés par un processus d'accréditation des acteurs, et que l'État soit en mesure de jouer son rôle de leadership et de régulation.

D'une manière malencontreuse, ce projet de résolution a été placé dans l'agenda sons la rubrique "partenariat avec les ONG". Or ce n'est pas l'esprit du texte de la résolution qui consiste à amener l'ensemble des acteurs d'un système de santé, et selon les spécificités de celui-ci, qu'ils soient publics (l'État central, municipalités), parapublics (institutions autonomes) ou privés (associations, cliniques, praticiens Iibéraux, etc.) à contribuer à la mise en œuvre de la politique de santé du pays, et ce sous la conduite de l'État. Les relations contractuelles, sous la diversité die leurs formes, constituent un des outils opératoires de ces partenariats. Les ONG ont par conséquent toute leur place dans cette problématique, mais elles n'en constituent qu'un des éléments.

A l'issue des discussions, l'impression générale qui se dégageait était un large consensus sur les principes contenus dans le projet de résolution mais également qu'il y avait encore nécessité d'approfondir ce débat sur un sujet aussi novateur pour bon nombre de délégués et également de revoir encore la formulation du projet. Si le projet avait été discuté au début de la réunion du conseil exécutif, un groupe de rédaction aurait pu être organisé et le projet de résolution aurait été vraisemblablement adopté à la fin du conseil exécutif. Mais la discussion s'étant déroulée à la fin du conseil exécutif, il devenait nécessaire d'en reporter l'examen au conseil exécutif suivant, soit en janvier 2002.

Si on peut considérer que ce report d'une année fait perdre un peu de temps, il faut aussi en envisager les avantages. En effet, à ce jour, la compréhension des potentialités d'un partenariat basé sur des relations contractuelles est encore insuffisante. Aussi convient-il de mettre à profit cette année supplémentaire pour mieux définir l'objectif et la portée de cette résolution de sorte que tout le monde en mesure pleinement les enjeux et soient en mesure d'en éviter une utilisation inefficiente.

Enfin, il ressort de ces débats que ce serait sans doute une erreur de penser que le plaidoyer pour l’approche contractuelle est suffisant et que I'on peut passer sans problème à la phase de mise en œuvre. Le chemin est encore long avant que l'on puisse considérer que tous tes acteurs de la santé sont conscients des potentialités offertes par cette approche. Si la plupart des délégués en ont souligné le caractère novateur, leur demande de poursuite du débat doit aussi être interprétée comme une insuffisante information de leur part.

Présentation d’un projet de résolution au Conseil Exécutif de l'OMS de janvier 2001 :

Un partenariat basé sur des relations contractuelles:
une option stratégique pour améliorer la performance des systèmes de santé

« Pour nous pays en développement, mettre en place des réformes de nos systèmes de santé est la chose la plus difficile, car nos Etats n'ont pas les moyens l'assurer la prestation de services de santé de qualité à nos populations qui sont en général pauvres et démunies. Cependant, nous constatons dans le même temps que les secteurs privés apportent à une partie de la population des services de santé qui sont de qualité. Mais ces acteurs agissent généralement isolément, avec des objectifs et des pratiques disparates, et sans coordination; au contraire, une meilleure collaboration entre ces acteurs permettrait de mieux utiliser les potentialités de l'ensemble des réseaux de prestataires. Comme vous le voyez, le projet de résolution que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui est beaucoup plus large que ne l'indique le titre du Rapport du Secrétariat EB 107/7. En effet, ce projet de résolution concerne tous les partenaires, qu'ils soient publics, parapublics, privés à but lucratif ou non lucratif et non les seules ONG et englobe toutes les formes de partenariats.

Il ne s'agit en aucun cas d'une privatisation ni d'un désengagement de l'Etat, mais il est question d'organiser un partenariat entre tous les acteurs du secteur de la santé, encore une fois, qu'ils soient du secteur privé, du secteur public ou parapublic, sur des bases saines et solides. C'est ainsi que l'on entre dans la logique des relations contractuelles où chacun des acteurs met ses compétences et ses moyens au service de la réalisation de prestations de santé performantes.

Le partenariat basé sur des relations contractuelles constitue un changement profond dans nos sociétés. Cette nouvelle gestion publique, cette nouvelle gouvernance n'est pas habituelle tant dans le secteur de la santé que dans les autres secteurs d'activités. Nous avons besoin de convaincre nos leaders politiques, nos leaders d'opinion mais aussi tous nos partenaires davantage habitués à vivre dans l'isolement ou à se méfier de l'Etat. Dans beaucoup de pays développés, les relations contractuelles entre les acteurs de la santé sont devenues aujourd'hui une pratique courante. Mais, dans nos pays, le chemin est encore long à parcourir avant qu'elles ne deviennent une pratique habituelle. Par conséquent, cette résolution nous aidera à affirmer cette option stratégique comme un outil aux potentialités évidentes.

Mais il convient également de mettre en garde les Etats membres, et plus largement tous les acteurs de la santé, sur les limites d'arrangements contractuels ad hoc et fragmentés qui finalement n'auraient qu'un impact très faible sur l'organisation et la performance de nos systèmes de santé. Nous devons nous assurer que cet outil est utilisé à bon escient et s'inscrit dans une politique contractuelle clairement définie en concertation avec des partenaires qui ont accepté de placer leur action dans le sens de la politique nationale de santé, assurant ainsi une harmonisation et une régulation de l'offre de services.

Nous avons besoin de cette résolution afin que nos Ministères de la santé puissent pleinement jouer leur rôle d'administration générale, de stewardship selon l'expression du dernier Rapport sur la santé dans le monde. Cette résolution les aidera en effet à veiller à ce que les relations contractuelles qui se nouent entre les acteurs soient placées dans le sens de la politique nationale de santé.

L'OMS a déjà beaucoup aidé nos pays à envisager les potentialités qu'offre un partenariat basé sur des relations contractuelles; plusieurs réunions ont été organisées, avec la collaboration efficace des trois niveaux de l'Organisation, souvent en collaboration avec d'autres institutions et avec le soutien de plusieurs Etats membres. Des documents, sans doute encore insuffisants, ont été élaborés, et je crois savoir qu'une rubrique sur la contractualisation sera bientôt disponible sur le site Internet de l'OMS. Cependant, la sensibilisation à cette approche, même si elle est maintenant bien engagée, doit encore être poursuivie et cette résolution des Etats membres y contribuera.

Mais si aujourd'hui beaucoup sont intimement convaincus des potentialités de cette approche, dans le même temps, nombreux sont ceux qui souhaiteraient être renseignés, guidés, conseillés pour passer à l'action. Si, dans les pays développés, l'utilisation des relations contractuelles et de la négociation remplacent de plus en plus fréquemment le recours à la réglementation, cette démarche est encore balbutiante dans nos pays en développement. non pas par manque d'intérêt mais plus simplement parce que nos capacités techniques et professionnelles sont trop faibles. Pour être efficace, la contractualisation doit être utilisée avec professionnalisme car, dans de nombreuses circonstances, elle est un outil beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Nous avons donc besoin d'un appui technique fort pour nous aider à élaborer des cadres opérationnels et pour nous accompagner sur ce chemin. Nous pensons que l'OMS, notre Organisation. est bien placée pour apporter un appui technique neutre, sans parti pris, à nos Ministères de la santé, mais aussi à tous nos partenaires.

Si cet accompagnement de l'action constitue aujourd'hui notre priorité, nous avons cependant conscience qu'il nous faut sans attendre évaluer nos expériences de sorte à en tirer les leçons et à éviter les écueils.

Je vous remercie de votre aimable attention. »

Texte de la note de présentation du projet de résolution intitulé « Un partenariat basé sur des relations contractuelles: une option stratégique pour améliorer la performance des systèmes de santé », au Conseil Exécutif de l’OMS de janvier 2001, par le Dr M.E. Mbaoïong, délégué du Tchad (Ordre du jour: point 3.4, "Partenariats avec des organisations non gouvernementales", document EB 1O7/7)