Stage d'étude dans un laboratoire de mycologie médicale au Laos

"Je tiens à maintenir le contact"

Von Devika Shah

Lesezeit 4 min.

Le but de mon séjour au Laos était de réaliser une étude sur l'incidence des maladies fongiques. Une modeste section de mycologie a très rapidement été mise en place peu après mon arrivée à Vientiane, au Laboratoire de Microbiologie de l'hôpital Mahosot (LMM). Les milieux pour la croissance des champignons étaient à peine préparés que déjà les premiers patients venaient se faire examiner. Ce début précipité, et l'afflux des patients dès les premiers jours, m'ont permis de constater avec quelle dynamisme et quelle volonté la cheffe du laboratoire, le Dr Rattanaphone Petsouvane, dirige son laboratoire.

Durant les quatre mois qu'a duré cette étude, la plupart des mycoses observées chez nos patients étaient des mycoses de la peau et des ongles, dont l'étendue était souvent très importante. Mais il s'est aussi présenté une mycose rare un peu plus sévère: une chromoblastomycose, une affection tropicale se manifestant par des nodules purulents. Jusqu'alors ce genre d'affection n'était pas correctement identifiée à Vientiane, et traitée à l'aide de médicaments anti-lépreux.....inefficaces, bien sûr! Nous avons également rencontré quelques cas de levuroses, dont des "muguets" (buccaux) et des méningites à Cryptococcus chez des patients sidéens. A la fin de mon séjour au Laos, une introduction à la mycologie médicale ainsi qu'une présentation des résultats de cette étude a été effectuée pour les médecins des hôpitaux de Vientiane, afin de davantage faire connaître cette nouvelle activité du LMM. Je suis satisfaite de l'issue de ce projet, même si au début de ce travail, j'avais imaginé rencontrer plus de mycoses tropicales graves, ce qui aurait davantage justifié l'installation d'un laboratoire de mycologie médicale.

Ce séjour au Laos a largement débordé du cadre de la mycologie médicale, puisqu'il a aussi permis d'apporter quelques améliorations au niveau de l'infrastructure du LMM (nouveaux lavabos, climatiseur, rénovation d'une salle pour la préparation des milieux de culture,...), permettant au personnel du laboratoire de travailler dans de meilleures conditions. De plus, ce séjour m'a aussi permis d'entrer en contact avec l'Institut de Recherche sur les Plantes Médicinales (RIMP) à Vientiane. Car durant cette étude sur les maladies fongiques, j'ai pu constater que de nombreux patients avaient tenté un traitement à l'aide de remèdes provenant de médecines traditionnelles lao, thaï, chinoise ou vietnamienne. Certains patients montraient une préférence pour ces traitements naturels qui ont l'avantage d'être moins coûteux, et donc plus accessibles à la population défavorisée du Laos. Mais sans indice quant à la composition de ces remèdes traditionnels, il fut impossible de juger de leur éventuelle efficacité à guérir les mycoses. C'est pourquoi un projet de collaboration entre le LMM et le RIMP est prévu en vue de tester différentes nouvelles préparations à base de plantes médicinales contre les mycoses. Le but de ce projet est de trouver un remède naturel contre les mycoses de la peau, plus efficace et moins cher que ce ceux actuellement disponibles sur le marché. Un tel projet pourrait donner un certain essor au RIMP, qui à l'avenir pourrait effectuer d'autres recherches de ce type, sur d'autres maladies et ainsi se développer davantage.

Suite à ce très enrichissant séjour au Laos, je tiens à maintenir le contact avec les personnes rencontrées là-bas, et favoriser les échanges. Je souhaite tout particulièrement faire venir en Suisse une des techniciennes de laboratoire très motivée, afin de lui permettre de se perfectionner et de ramener les nouvelles connaissances acquises dans son pays. Car je crois que c'est une des meilleures façons pour aider un pays du Sud à se développer: former ses habitants, afin de leur permettre de prendre en main leur propre développement. Par ailleurs, j'aimerais également aider le directeur du RIMP à réunir l'argent nécessaire à la publication de ses deux livres sur les plantes médicinales et remèdes traditionnels de son pays. Les pays du Sud regorgent de plantes médicinales et possèdent un savoir médical ancestral qu'il ne faut pas laisser disparaître, ni être pillé par les grandes entreprises pharmaceutiques. Car ce savoir représente un potentiel considérable dans la perspective d'un développement autonome et durable de ces pays.

Si l'on ne prend pas garde, l'apport de notre médecine occidentale aux pays du Sud tend à faire disparaître la richesse des systèmes de guérison traditionnels (bien moins coûteux), dont l'approche intuitive face à la maladie ressemble souvent aux moyens de guérison des médecines dites parallèles (acupuncture, phytothérapie, homéopathie,...). A l'avenir, je souhaite davantage m'intéresser aux médecines traditionnelles des pays du Sud et surtout aussi aux médecines parallèles présentes chez nous, en me penchant plus particulièrement sur le fonctionnement de ces médecines holistiques. Car comme le constate l'OMS dans son livre sur la médecine pratiquée dans les pays du Sud (Médecine traditionnelle et couverture des soins de santé, R.H. Bannerman, J. Burton, et Ch'en Wen-Chieh, 1983) "Il est frappant de constater la faible part de recherche consacrée au système indigène de soins de santé et de soins médicaux, même dans les pays où ce système couvre la majorité de la population".

Je suis convaincue que si l'on veut vraiment aider les pays du Sud, il faut essayer de développer leurs points forts, car ils en ont!. Mais malheureusement, et je l'ai trop souvent observé au Laos, notre modèle de société fascine les populations locales. Elles tentes de nous copier, mais sans discernement, sans réaliser que nous aussi, nous avons nos problèmes de développement (explosion des coûts de la santé, pollution, etc.) et que décidément, nous non plus, nous n'avons pas encore trouvé toutes les solutions permettant un développement durable de notre société.