L’association ProSam comme exemple

Agir sur les déterminants de la santé mentale

Von Manon Duay und Neslie Nsingi

L‘association ProSam a pour but la promotion de la santé mentale en Suisse romande. Par son activité, ProSam vise à renforcer les facteurs qui exercent une influence bénéfique sur l’équilibre psychique comme la cohésion sociale et la déstigmatisation. Pour ce faire, ProSam utilise le partage d’expérience comme un outil de prévention qui contribue indirectement à faciliter l’accès aux soins. Le projet « L’aurore d’un espoir » est présenté ci-dessous comme illustration d’une action de promotion de la santé mentale à petite échelle.

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Agir sur les déterminants de la santé mentale
Foto von Ümit Bulut auf Unsplash


Entre déterminants de la santé, facteurs de protection et promotion de la santé

Tout au long de notre vie, de multiples éléments vont influencer notre santé mentale ; cela inclut des facteurs qui peuvent affecter positivement ou négativement notre équilibre psychique (WHO, 2022). Ces facteurs sont regroupés sous l’appellation « déterminants de la santé mentale ». Ils peuvent être distinguées en deux groupes : les facteurs de protection, qui favorisent la santé mentale et les facteurs de risque qui augmentent la probabilité d’émergence de troubles psychiques.

Les facteurs de risque et de protection se répartissent, eux aussi, sous trois niveaux ; il s’agit (1) des ressources et comportements individuels, (2) du contexte social et économique et (3) de l’environnement socio-culturel et politique dans lequel la personne évolue.

Selon la Charte d’Ottawa, « La promotion de la santé vise l’égalité en matière de santé. Ses interventions ont pour but de réduire les écarts actuels caractérisant l’état de santé, et d’offrir à tous les individus les mêmes ressources et possibilités pour réaliser pleinement leur potentiel santé » (WHO, 1986). Dans le prolongement de cette définition, la promotion de la santé mentale a pour objectif de développer les facteurs de protection des individus et des familles et de mettre en place des conditions susceptibles de réduire les facteurs de risque qui contribuent à l’émergence de problèmes de santé mentale (Jané-Llopis et al., 2005).

Pour améliorer la santé mentale de la population, il est nécessaire de renforcer les facteurs de protection à tous les niveaux contrairement aux stratégies de prévention et traitement qui se focalisent majoritairement sur l’individu (Campion & Javed, 2022). Au niveau (1), il est notamment possible de favoriser le pouvoir d’agir des individus sur leur propre vie, en travaillant sur la confiance en soi, l’espoir ou encore le respect. Cependant, les individus ne sont pas seuls responsables de leur santé mentale puisque les difficultés psychiques découlent également de l’environnement socioculturel et politique dans lequel ils vivent. Il est donc essentiel d’intervenir au-delà de la sphère individuelle et de se concentrer sur des groupes d’individus et la communauté (Joubert & Raeburn, 1998).

Ainsi, au niveau (2), des plans de revalorisation salariale ou d’amélioration de la cohésion sociale dans une communauté peuvent être créés. Enfin pour le niveau (3), les interventions sont plus complexes, étant donné que les dimensions politiques et structurelles doivent être considérées. Cependant, la modification de certaines politiques publiques peut être envisagée afin d’avoir, par exemple, une plus grande équité en termes d’accès aux soins de santé mentale ou une loi contre les discriminations qui participerait à la création d’un environnement favorable à la santé (Sebbane et al., 2017 ; WHO 2022).


ProSam, une association qui œuvre pour la santé mentale

ProSam est une association à but non lucratif qui a pour mission de promouvoir la santé mentale de la population en Suisse romande par le partage d’expérience, la vulgarisation d’informations et la communication. Afin de réaliser sa mission, ProSam fait appel aux synergies créées par le travail interdisciplinaire des mondes artistiques, de relations publiques et de prévention. L’association s’appuie également sur des supports de communication variés pour favoriser l’ouverture de la parole sur la santé mentale et l’accès à des ressources professionnelles, sociales et familiales. Fondée en 2022, cette association a voulu, par sa création, appuyer la prise de conscience de l’opinion publique sur l’importance de la santé mentale qui a eu lieu durant la pandémie de la Covid-19.

Pour son premier projet, ProSam a utilisé le partage d’expérience en produisant un court-métrage retraçant un parcours de vie avec des difficultés psychiques. Au travers de ce film, trois déterminants de la santé ont pu être abordés.

Performance de Fabian Branas, illustrateur, exposition Bulle. Photo : © Nicolas Muñoz
Performance de Fabian Branas, illustrateur, exposition Bulle. Photo : © Nicolas Muñoz

Participer à la cohésion sociale

Le court-métrage « L’aurore d’un espoir » est axé sur le rétablissement en santé mentale et l’importance du réseau de soutien. Dans le film, plusieurs personnages représentent des ressources-clés dans le parcours de la personne faisant l’expérience de difficultés psychiques. Ces soutiens forment des piliers sur lequel le parcours de rétablissement se construit, dans un esprit de santé communautaire.

Le court-métrage a été diffusé lors de deux expositions organisées à Bulle et à Lausanne en 2023. Ces événements ont mêlé art, santé mentale et communauté. Des artistes locaux ont été conviés et ont réalisé des performances ou des œuvres artistiques en lien avec la santé mentale. La projection du court-métrage a ensuite incité à des échanges qui ont eu lieu en présence de Manon Duay, dont le témoignage a inspiré le court-métrage, et de spécialistes du domaine de la santé publique (psychiatres, psychologues, infirmiers et infirmières et des jeunes concernés).

Pour chaque exposition, plus d’une centaine de participants ont été réunis. Ainsi, des personnes d’horizon varié ont pu aborder ouvertement la thématique de la santé mentale en partant d’une histoire vécue.

Le partage d’expérience, valeur centrale de ce projet, a également montré des effets bénéfiques sur la cohésion sociale dans la littérature scientifique. Un groupe de recherche a souligné le pouvoir du partage d’expérience dans ses travaux : « En partageant leurs récits, ils encouragent d'autres pairs à atteindre leurs objectifs » (Lathrop et al., 2022). Une femme ayant témoigné de son parcours avec des troubles psychiques et d’addiction a ajouté ces mots pour décrire le partage d’expérience : « C'est un processus de transformation » (Lathrop et al., 2022).

Performance du groupe de danse INFINITE FAM, exposition Bulle. Photo : © Nicolas Muñoz
Performance du groupe de danse INFINITE FAM, exposition Bulle. Photo : © Nicolas Muñoz

Déstigmatiser pour mieux en parler

Le court-métrage aborde frontalement les difficultés psychiques vécus durant la vie d’une jeune adulte. La mise en scénario de ces difficultés les rend réalistes et permet à toutes et tous de prendre conscience de la souffrance que peuvent engendrer les troubles psychiques, tant pour la personne concernée que pour son entourage. Le travail de déstigmatisation favorise l’inclusion des personnes concernées dans la société, un facteur de protection fondamentale de la santé mentale, et mène à une meilleure compréhension de l’expérience vécue (WHO, 2022). Ces deux éléments sont d’une grande importance puisqu’une étude européenne incluant la Suisse a démontré que deux personnes sur cinq étaient affectées chaque année par un trouble psychique (Wittchen et al., 2011). En outre, une étude longitudinale néozélandaise a révélé, qu’à l’âge de 45 ans, 86% de la population de milles personnes étudiée avait été affectée par un trouble psychique au cours de sa vie (Caspi et al., 2020).

Un accès aux soins facilité ?

Le film présente les multiples ressources qui ont permis le rétablissement de la principale protagoniste. La présence des proches, une thérapie, mais aussi la méditation, les voyages et la spiritualité ont été des éléments clés dans le parcours de Manon. En les mettant en évidence, le court-métrage permet d’aborder la question de la prise en charge, les alternatives possibles et l’importance des liens. Un psychothérapeute est représenté dans le court-métrage, mais il ne représente pas l’unique piste de soins. Ce personnage suggère simplement l’existence de ressources d’aide professionnels. Cette présence était également exemplifiée lors de chaque projection puisqu’un clinicien de premier recours (infirmier ou psychologue) était sur place. De plus, ces expositions ont été l’occasion de distribuer de l’information concernant les ressources d’aide local.

La promotion de la santé mentale est notre affaire à toutes et tous

Il n’est pas possible pour chaque personne de réaliser un court-métrage. Cependant, l’exemple de ProSam démontre que nous pouvons toutes et tous contribuer d’une manière ou d’une autre à une société plus ouverte à la question de la santé mentale et que l’art peut être une piste pour en parler et s’exprimer.

Projection du court-métrage l'Aurore d'un espoir, exposition Lausanne. Photo : © Livia Regelin
Projection du court-métrage l'Aurore d'un espoir, exposition Lausanne. Photo : © Livia Regelin

ProSam. (2023) En ligne : www.prosam-association.ch

Références
  • Campion, J., & Javed, A. (2022). WPA Working Group on Public Mental Health: objectives and recommended actions. World psychiatry: official journal of the World Psychiatric Association (WPA), 21(2), 330–331. https://doi.org/10.1002/wps.20981
  • Caspi, A., Houts, R. M., Ambler, A., Danese, A., Elliott, M. L., Hariri, A., Harrington, H., Hogan, S., Poulton, R., Ramrakha, S., Rasmussen, L. J. H., Reuben, A., Richmond-Rakerd, L., Sugden, K., Wertz, J., Williams, B. S., & Moffitt, T. E. (2020). Longitudinal Assessment of Mental Health Disorders and Comorbidities Across 4 Decades Among Participants in the Dunedin Birth Cohort Study. JAMA Network Open, 3(4), e203221. https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2020.3221
  • CSDH (2008). Closing the gap in a generation: health equity through action on the social determinants of health. Final Report of the Commission on Social Determinants of Health. Geneva, World Health Organization.
  • Jané-Llopis, E., Barry, M., Hosman, C., & Patel, V. (2005). Mental health promotion works: a review. Promotion & education, Suppl 2, 9–67. https://doi.org/10.1177/10253823050120020103x
  • Joubert, N., & Raeburn, J. (1998). Mental health promotion: People, power and passion. International journal of mental health promotion, 15–22.
  • Lathrop, B., Mercy, M., Kasambira-Emerson, R., Squires, V., Santibañez, S. (2022). Empowering Communities That Experience Marginalization Through Narrative, In D. H. Barrett, L. W. Ortmann, & S. A. Larson (Eds.), Narrative Ethics in Public Health: The Value of Stories (Vol. 7, pp. 35-45). Springer International Publishing. https://doi-org.uml.idm.oclc.org/10.1007/978-3-030...
  • Sebbane, D., Rosario, B., & Roelandt, J. L. (2017). La promotion de la santé mentale : un enjeu individuel, collectif et citoyen. La santé en action, no 439, 10–13.
  • Wittchen, H. U., Jacobi, F., Rehm, J., Gustavsson, A., Svensson, M., Jönsson, B., Olesen, J., Allgulander, C., Alonso, J., Faravelli, C., Fratiglioni, L., Jennum, P., Lieb, R., Maercker, A., Van Os, J., Preisig, M., Salvador-Carulla, L., Simon, R., & Steinhausen, H.-C. (2011). The size and burden of mental disorders and other disorders of the brain in Europe 2010. European Neuropsychopharmacology, 21(9), 655–679. https://doi.org/10.1016/j.euroneuro.2011.07.018
  • World Health Organization (1986). Ottawa Charter for Health Promotion: First International Conference on Health Promotion Ottawa, 21 November 1986. En ligne : https://www.healthpromotion.org.au/images/ottawa_charter_hp.pdf
  • World Health Organization, & Calouste Gulbenkian Foundation (2014). Social determinants of mental health. Geneva, World Health Organization.
  • World Health Organization (2022). World mental health report: transforming mental health for all. Geneva: World Health Organization.
Manon Duay
Manon Duay est Présidente de ProSam. Titulaire d’un Master en santé globale, elle participe à des recherches et enseigne sur les thématiques de promotion de santé, de politique de santé et de santé mentale dans des institutions de santé. Email
Neslie Nsingi
Neslie Nsingi est Référente scientifique au sein du comité de ProSam et Doctorante en santé communautaire. Titulaire d'un Master en Socioéconomie, elle a travaillé durant plusieurs années dans le domaine de la prévention et promotion de la santé avant d’entreprendre une thèse de doctorat.