Un goulot d'étranglement au développement et à la santé des jeunes filles

Les mariages précoces et forcés dans la plaine de la Ruzzi

Von Dieudonné Lwaboshi Manegabe

Le mariage d’enfants est une violation des droits humains fondamentaux des filles, y compris leur droit de choisir si elles veulent se marier, quand et avec qui elles souhaitent se marier. Plusieurs instruments africains des droits humains condamnent le mariage d’enfants avant l’âge de 18 ans. Ce sont entre autres : La Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant (article 21), le Protocole de la Charte africaine de droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits des femmes en Afrique (article 6), la Charte africaine de la jeunesse (article 8), la constitution de la RD Congo ainsi que la loi sur la protection de l’enfance.

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Les mariages précoces et forcés dans la plaine de la Ruzzi

Un entretien avec les femmes de ménages du Village de Luvungi sur les causes et conséquences des mariages précoces dans une Communauté. Photo : Elodie Mulinga

 

Selon la Convention Universelle des droits de l’homme, le mariage précoce est défini comme étant une atteinte aux droits fondamentaux de la personne, notamment à sa liberté et à son intégrité physique. Cela signifie que toute personne a le droit de choisir librement son époux ou son épouse.

Le mariage d’enfants comprend toute union légale, religieuse ou coutumière impliquant un garçon ou une fille de moins de 18 ans, et tout mariage conclu sans le libre et plein consentement des deux époux. Cette définition s’appuie sur la Convention internationale des droits de l'enfant et la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant, qui définit l’enfant comme tout être humain âgé de moins de 18 ans. Dans la mesure où aucune personne de moins de 18 ans n’est en mesure de donner son libre et plein consentement, le mariage d’enfants peut être considéré comme un mariage forcé.

 

Les origines des mariages précoces

De manière générale, les mariages précoces puisent leurs origines dans :

L’inégalité des sexes : Dans les sociétés pratiquant le mariage précoce et forcé, les filles et les femmes ont un statut inférieur à celui de l’homme. Les filles sont mariées jeunes car elles sont considérées comme un poids pour la famille et leur bien-être n’est pas une priorité.

La pauvreté : Dans les pays en développement, une fille est souvent considérée comme un fardeau. Son mariage permet aux parents d’avoir une bouche en moins à nourrir, de s’enrichir et de créer des alliances stratégiques avec une autre famille. Par rapport aux pays pauvre et sous-développés, une fille étant une charge pour la famille, elle est souvent considérée comme une source de richesse. De ce fait, dès qu’elle atteint l’âge de puberté,  sa famille étant, pauvre coucous à son mariage en échange avec les vaches pour rehausser le pouvoir économique de la famille.

Certaines pratiques traditionnelles : Dans de nombreux pays, l’honneur d’une famille passe par la virginité féminine. Les parents marient leurs filles bien avant qu’elles ne soient prêtes à avoir des relations sexuelles, afin d’éviter qu’elles ne tombent enceinte et ne puissent plus être mariées.

L’absence de certificat de naissance :Le manque de certificats de naissance contribue aussi au mariage forcé de filles mineures. Dans ce cas, la majorité des parents, ne font que considérer la taille de la jeune fille pour décider sur son mariage. Les filles ne possédant aucune identité juridique ne peuvent fournir de preuve de leur jeune âge, qui prouverait l’illégalité d’un mariage précoce. 

La non application des lois : Même quand le mariage précoce est interdit, beaucoup de familles l’ignorent et/ou enfreignent la loi. Dans certains pays, cette violation est si répandue et normalisée que les sanctions sont rares.

Les situations d’urgence : Les situations précaires (conflits, catastrophes naturelles, crises humanitaires) augmentent la pression économique qui pèse sur les foyers, forçant des familles qui ne l’auraient jamais envisagé à marier leurs filles trop jeunes.

Enquête sur les mariages précoces dans le village de Nyakabere I, FITINA ANUSIAT. Photo : Jimmy Katuruma

 

Les conséquences des mariages précoces

Le mariage précoce et forcé présente de graves conséquences sur la vie d’une fille, mais aussi sur sa communauté et son pays tout entier : 

Violence et abus sexuels : Les mariages précoces entrainent souvent violences et abus sexuels de la part du mari, et les relations sexuelles sont souvent forcées.

Risques pour la santé : Il s’agit notamment des risques liés aux grossesses précoces, première cause de mortalité chez les 15 à 19 ans, mais aussi au VIH car, même si une fille a eu la chance de recevoir une éducation sexuelle, elle est rarement en capacité de négocier des relations sexuelles protégées.

Déscolarisation : Une fois mariée, une fille est considérée comme adulte et est prise en charge par son mari. Elle n’a donc plus droit d’aller à l’école. Les tâches domestiques et l'éducation des enfants ne leur en laissent de toute manière pas le temps. Pourtant, l’éducation des filles est le meilleur instrument de lutte contre la pauvreté. Une fille instruite met au monde moins d’enfants et, sensibilisée à l’importance de l’éducation, elle veille à ce que ses enfants aient une éducation de qualité et lutte ainsi à son tour contre le mariage précoce.

Perpétuation du statut inférieur des femmes et de la pauvreté : Les mariages précoces maintiennent les filles dans leur statut inférieur à l'homme et ne leur permettent pas de sortir de la pauvreté. Il s'agit d'une situation injuste et d'un énorme potentiel perdu pour le développement des communautés et des pays.

 

Les mariages précoces dans le territoire d´Uvira / RD Congo

Le Territoire d’Uvira (RD Congo) est parmi les territoires du pays ayant des villages où les mariages précoces et forcés sont beaucoup plus enregistrés par les organisations humanitaires intervenant dans la protection de l’enfant. Dans cette partie du pays, et surtout dans la pleine de la Ruzizi ainsi que les moyens et hauts plateaux, les jeunes filles sont soumises aux mariages précoces, une conséquence de la pauvreté, de la non application des lois et des pratiques traditionnelles, qui sont la cause principale des inégalités des sexes, etc.


Democratic Republic of the Congo, le territoire d´Uvira. Photo: Dieudonné Lwaboshi Manegabe

 

Origines des mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi, territoire d’Uvira

La pauvreté
La pauvreté est responsable des mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi. Les responsables des ménages qui se retrouvent dans une situation de chômage et dans l’impossibilité de scolariser tous les enfants à leur charge font sacrifier les enfants filles pour le développement des enfants garçons. Les enfants filles se marient à temps et la dote est ainsi conservée pour le progrès des enfants garçons considéré comme le future responsable de la famille.

L’inégalité des sexes
Les enfants filles dans la plaine de la Ruzizi, ont un statut inférieur à celui des garçons. Cette situation fait que les garçons ont beaucoup de chance dans leur développement. Ils accèdent facilement aux études, les parents acceptent de vendre les champs, pourvu que les enfants garçons émergent au détriment des filles.

Les pratiques traditionnelles
Etant donné que la plaine de la Ruzizi est une entité purement villageoise, la population ne font que se rallier à des pratiques traditionnelles malgré le nombre d’églises qui s’y trouve. Ces pratiques qui nient l’appartenance de l’enfant fille aux héritiers, la considèrent comme un élément étranger, qui ne sera qu’utile que pour une autre famille, dans laquelle elle sera mariée. Ceci fait que l’enfant fille soit marginalisée et manque de confiance de soi. Cette situation pousse aussi un grand nombre de jeunes filles à se marier tôt pour fuir leurs foyers familiaux ne reconnaissant pas leur valeur.

La non applicabilité des lois :
Le non applicabilité des lois dans certaines régions de la plaine de la Ruzizi, contribue à l’accroissance du taux de mariages précoces dans cette contrée. Les lois ne s’appliquent aux acteurs favorisant les mariages précoces que pour des raisons d’insécurité dans la zone. Le seul moyen qui contribue actuellement dans la réduction des mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi, est la sensibilisation faites par les organisations intervenantes.

 

Les conséquences des mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi

Violence et abus sexuels :
Les mariages précoces dans cette partie du territoire, entraînent des abus sexuels de la part du mari. Souvent les filles, mariées précocément et de force, ne savent pas gérer les maris dans la vie conjugale. Ceci fait qu’elles soient forcées de faire ce dont elles ne sont pas capables.

La non scolarisation des filles
L’éducation étant un outil d’épanouissent, les filles mariées de la plaine de la Ruzizi, n’ont plus accès aux études. Elles se retrouvent avec des charges et obligations familiales et sont sous l’autorité suprême de leurs maris. Ceci fait qu’il y ait un grand nombre des filles analphabètes dans la plaine de la Ruzizi, et cette situation impacte négativement à leurs vies socio-économiques.

Perpétuation du statut inférieur de la femme :
Une fois mariées, les filles se retrouvent avec un statut inférieur par rapport à leur mari et reste dictée et conduite par celui-ci. Cette situation fait que les filles mariés précocement et de force ne progressent pas dans leurs vies socio-économiques.

Risques pour la santé
Les filles ayant été forcées de se marier, sont celles qui sont les plus souvent victimes de grossesses précoces dans la plaine la Ruzizi. Cette situation, contribue positivement aux taux de mortalité des filles mariées ayant l’âge qui varie entre 15 et 19 ans. La mort de ces mamans, occasionne automatiquement la mort d’enfants orphelins. A part la mort, les filles qui se sont précocement mariées, sont exposé à des maladies de carence alimentaire dans la plaine de la Ruzizi, ainsi que leurs enfants. Quant aux enfants, les principales victimes sont ceux dont l’âge varie entre 0 à 5 ans. De toutes les maladies qui attaquent les filles mariées et leurs enfants, le Kwashiorkor prend une grande ampleur.

Enquête sur les mariages précoces dans le village de Runingu. Une fille de 15 ans forcement marié par un garçon de son village. Après une Grossesse de trois mois, son mari l’a abandonnée pour l’Afrique du Sud. Photo : Moriba Katoto


Prévention, traitement et réhabilitation des victimes des mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi

En nous référant à nos expériences dans la zone, la meilleure façon de prévenir les mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi, est de multiplier la sensibilisation et mobiliser les  victimes ainsi que les parents, leaders locaux et autorités locales. La deuxième façon de prévenir les mariages précoces de filles dans cette contrée, est de tout faire pour que les lois soient appliquées pour les mariages précoces et forcés dans la zone.

Pour ce qui est de la prise en charge des victimes de mariages précoces,, il faut toujours collaborer avec les structures sanitaires de la zone comme première proposition et/ou installer une structure socio-sanitaire pour gérer et traiter les cas reçus.

La réhabilitation des victimes peut se faire selon nous, à deux niveaux : Le premier niveau, remettre d’abord les victimes dans leurs droits en invitant l’Etat à sanctionner les acteurs et faire appliquer les lois dans la zone. Le second niveau, qui est le plus apprécié, c’est de regrouper les victimes selon les villages en leur inculquant les compétences techniques de métiers, tels que la coupe de cheveux, la couture, le tricotage, l’art culinaire, etc,… De cette façon, elles se sentiront à l’aise lorsqu’elles commenceront leur production et en devenant auto-dépendantes au sein de leur ménage et de leur village respectif.

 

Comment attendre les victimes

Pour mieux atteindre les victimes, il faudra toujours travailler main dans la main avec les organisations qui interviennent dans cette zone et dont l’objectif et de lutter contre les mariages des enfants. Ces organisations vous fourniront toutes les données contenant tous les détails nécessaires. Ensemble avec elles, vous pourrez toujours définir des nouvelles orientations et recommandations pour faire progresser les activités dans la zone.

 

Conclusion

Ce travail est produit sur la base de l’expérience que nous avons eue dans la zone. Il comprend trois chapitres qui résument bien les éléments essentiels sur les mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi. Le premier chapitre, qui est la Revue de la littérature, représente l’idée du travail de manière générale. Elle démontre et explique les origines et les conséquences des mariages précoces de manière générale. Le second chapitre, concerne les mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi, territoire d’Uvira en RD Congo et démontre en expliquant de façon spécifique, les causes et les origines des mariages précoces, ainsi que leurs conséquences chez les jeunes filles dans la plaine de la Ruzizi. Le troisième chapitre : Prévention, traitement et réhabilitation des victimes, suggère les moyens de combattre les mariages précoces dans la plaine de la Ruzizi. Cette partie du travail, indique aussi comment les victimes peuvent être atteintes.

 

Dieudonné Lwaboshi Manegabe
Dieudonné Lwaboshi Manegabe, est un gradué en Anglais-Culture Africaine de l’ISP-UVIRA. Après ses études il a travaillé dans l’ONG TUMAINI AFRICA Congo, comme chargé de la protection de l’enfance pendant trois ans. Il travaille actuellement pour FEMME EN ACTION POUR LE PROGRES SOCIAL « FAPROS », une organisation qui oeuvre pour la promotion et défense de droits des enfants et des femmes congolaises et plu spécialement sur les mariages précoces et forcés dans la plaine de la Ruzizi, en territoire d’Uvira au sud kivu en RD Congo.