Éditorial

Il ne faut jamais s’arrêter de planter

Von Françoise Brunnschweiler

Lesezeit 2 min.

Permettez-moi de commencer par cette citation de notre ami Dom Helder Camara que nous venons malheureusement de perdre : « Il faut que les femmes et les hommes de tout âge et de toutes conditions se lèvent et aient le courage d’établir des relations nouvelles entre les peuples, des relations qui conduisent à la solidarité, au partage. »

La chance de ma vie, c’est ma rencontre avec Raoul Follereau. Ce fut une rencontre-choc avec le feu dévorant de la charité. Je me suis sentie directement concernée par la misère du monde qui hantait cet homme et par la puissance du message qui émanait de cette vie. On ne peut dès lors que s’engager que l’on soit au printemps ou à l’automne de la vie. J’étais à l’automne ! Mais, j’ai foncé et ma vie fut entièrement conditionnée, ensoleillée par ce travail et elle l’est toujours. L’âge ne change rien à l’affaire.

La joie et la reconnaissance inondent mon cœur lorsque je jette un regard sur les 30 ans d’activité de l’Association suisse Raoul Follereau que j’ai fondée. Certes, je n’ai pas vu passer les années et l’âge m’a rattrapée, mais je lui tiens tête. Je demeure convaincue qu’il ne faut jamais s’arrêter de planter, de bâtir, de travailler, d’espérer, d’aimer... Ce qui compte dans la vie, c’est d’être utile. « S’il manque quelque chose à votre vie, c’est que vous n’avez pas regardé assez haut », disait Raoul Follereau.

Je remercie de tout cœur, tous ceux qui m’ont aidée et entourée ici, comme je remercie ceux qui, même au-delà de la retraite, poursuivent la mise en œuvre des programmes que nous soutenons. Et parmi ces personnes, comment ne pas citer d’abord celui qu’on appelle affectueusement « mon jumeau », le Père Pierre Tritz. Ce Jésuite, qui a fêté ses 85 ans en même temps qu moi en juin dernier à Lausanne, consacre sa vie aux enfants des bidonvilles et des trottoirs aux Philippines. Il a crée la Fondation ERDA (Educational Research and Development Assistance Foundation) au moment où tant d’autres pensent à la retraite après une vie bien remplie. Aumônier de nuit dans un hôpital à Manille, présent le jour au milieu de son équipe au cœur des bidonvilles, pèlerin inlassable il parcourt le monde pour parler de ses enfants et trouver l’argent nécessaire au développement de son action.

Un autre ami, le Dr Jean-François Guignard, menait une vie sans histoire dans son cabinet dentaire de Montreux lorsqu’un jour, on lui suggéra d’aller voir ce qui se passait ailleurs. Ce fut l’occasion de missions en Afrique de l’Ouest et à l’hôpital Albert Schweitzer à Lambaréné. Ainsi, le Dr Guignard a suscité un formidable mouvement de solidarité. Il a encouragé ses confrères jeunes ou retraités à offrir leurs vacances ou leur retraite pour aller travailler outre-mer. Et depuis la remise de leur cabinet, Jean-François et son épouse Marcelle se dépensent sans compter dans le cadre du « Secours Dentaire International »...

C’est un honneur et une joie pour nous de collaborer dans la mesure de nos moyens à l’œuvre colossale de ces amis. La voie est ainsi tracée, l’exemple donné. Espérons que beaucoup d’autres retraités, comme aussi les nouvelles générations s’engagent pour faire évoluer ce monde accable de trop de désespoir. Transformer la planète pour la rendre plus fraternelle et habitable pour tous, n’est-ce pas le plus beau des défis ?

Françoise Brunnschweiler, Fondatrice et présidente de l’Association suisse Raoul Follereau, organisation membre de Medicus Mundi Suisse