Résumé analytique du rapport de l'enquête

Enquête auprès des membres de Medicus Mundi Suisse sur l’approche basée sur les droits de l'homme en matière de santé sexuelle et reproductive

Von Jana Gerold, Sandra Staudacher-Preite & Sonja Merten

Le réseau Medicus Mundi Suisse (MMS) a mandaté cette enquête qualitative en s'intéressant tout particulièrement à la manière dont ses organisations membres comprennent et appliquent l’approche basée sur les droits de l'homme dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive et des droits.

Lesezeit 8 min.
Enquête auprès des membres de Medicus Mundi Suisse sur l’approche basée sur les droits de l'homme en matière de santé sexuelle et reproductive

Photo: Steve Parkinson/flickr


L'objectif principal de cette étude consistait à explorer les expériences des membres du réseau MMS et de leurs organisations partenaires lors de la mise en pratique de l'approche basée sur les droits de l'homme dans le domaine des droits sexuels et reproductifs. L'enquête n’a pas cherché à savoir dans quelle mesure le travail de ses membres était basé sur les droits de l'homme. En outre, l'objectif de l'étude n'est pas de fournir des recommandations directement applicables ou une boîte à outils sur les modalités d'application d'une approche basée sur les droits de l'homme. Il s’agit plutôt d'encourager les ONG à réfléchir à leurs projets en fonction des éléments analytiques d’un axe prioritaire des droits, lors de la planification des programmes.





Source: Getting it Right for Children, Save the Children 2007

Définitions:

L’approche basée sur les droits de l'homme implique la prise en compte consciente et systématique des droits de l'homme dans tous les aspects de développement des programmes.

Chaque personne sans exception est  titulaire de droits et bénéficie des mêmes droits. Elle doit avoir la capacité d’exercer des droits, de formuler des revendications et d’exiger réparation.

Les garants des droits sont essentiellement les autorités et les structures de L'État ainsi que les institutions non étatiques. Les garants des droits doivent être identifiés en fonction de titulaires de droits
spécifiques, étant donné qu’ils s'acquittent d'obligations en réponse aux titulaires de droits. (UNFPA 2012)

Note conceptuelle sur les définitions et la démarche

Une approche basée sur les droits de l'homme (ABDH) est définie comme un cadre conceptuel et analytique qui intègre des normes, des standards et des principes liés aux droits de l'homme dans le travail de développement. Les approches basées sur les droits cherchent à faire appel à la responsabilité des gouvernements et des autres garants, et à encourager les titulaires à revendiquer leurs droits.

Travailler avec l'ABDH pour la planification de programmes signifie incorporer les droits et les obligations et devoirs correspondants dans la planification, l'implémentation et la budgétisation des interventions, dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive par exemple. En outre, une approche basée sur les droits de l'homme

  • fournit une perspective d'analyse pour comprendre la complexité des problèmes de la coopération au développement, en incluant l'identification et l'analyse des causes sous-jacentes et fondamentales des problèmes, y compris en s'attaquant aux inégalités, aux pratiques discriminatoires et aux relations injustes de pouvoir (p.ex. pauvreté par suite de privation d’autonomie et d'exclusion chez des titulaires de droits qui ont le droit à la santé, etc.);
  • met davantage l'accent sur les personnes les plus marginalisées et exclues de la société, qui sont les plus susceptibles d’être privées de droits de l’homme;
  • augmente la participation sociétale des personnes les plus marginalisées dans la société, en renforçant la capacité des titulaires de droits à exercer leurs droits, et celle des garants des droits à remplir leurs obligations.


Quatre principes ont été jugés comme étant les plus pertinents pour l'application à la planification des programmes des ONG. Nous les utilisons ici pour guider notre analyse.
Les quatre principes sont:

  1. Promouvoir l’obligation de rendre compte et la transparence parmi les garants des droits, y compris les ONG elles-mêmes, les rôles et responsabilités ainsi que la transparence des processus de prise de décision.
  2. Soutenir l'autonomisation et le développement des capacités des titulaires de droits, pour qu’ils demandent des comptes aux garants des droits.
  3. Travailler en partenariat avec les titulaires de droits et, quand cela est pertinent, avec les garants des droits pour constituer des alliances.
  4. Assurer la participation sensée des titulaires de droits (groupes difficiles à atteindre / marginalisés / défavorisés / vulnérables) et des garants des droits.

L'application à la planification des programmes signifie que les principes impactent tous les niveaux du processus de planification des programmes (analyse situationnelle, conception et planification, implémentation, surveillance et évaluation).

Collecte des données

Un total de 12 ONG basées en Suisse, et leurs 12 organisations partenaires locales, ont remis leur documentation relative à l'un de leurs projets sur la santé sexuelle et reproductive. La collecte des données incluait autant un examen de documents que des interviews approfondies, semi-structurées.

La sélection de projets des membres de MMS incluait les pays suivants: Nicaragua, Paraguay, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Rwanda, Zimbabwe, Zambie, Malawi, Albanie et Bangladesh.

Les résultats de l'étude présentent des limites qui résultent de divers aspects méthodologiques, décrits de manière plus détaillée dans le rapport de l'enquête.

Résultats

Sur les 12 projets examinés, huit ont utilisé, de manière plus ou moins cohérente, le cycle de planification des programmes comme un outil de planification. Aucun des 12 projets examinés n'a appliqué systématiquement une approche basée sur les droits de l'homme à toutes les étapes du cycle de planification des programmes.

Les projets se concentraient sur les champs thématiques suivants dans le contexte de la santé sexuelle et reproductive:

  • violence (sexuelle);
  • accès à l'éducation sexuelle et à l'information;
  • accès aux services de santé reproductive (p.ex. planification familial, fistules, VIH/SIDA);
  • La mutilation génitale féminine/excision (MGF/E)
  • mariage précoce et forcé;
  • égalité et non-discrimination dans la loi et dans les faits indépendamment de l’état de santé (VIH/SIDA p.ex.).


Résumé des résultats lié au cycle de gestion de programme

(1)   Analyse situationnelle

  • Seulement un projet étudié incluait systématiquement des principes de droits dans l'analyse situationnelle. Deux ONG qui travaillent explicitement sur les droits des enfants ont rapporté procéder deux fois par année à une évaluation ou actualisation systématique concernant les droits des enfants dans les pays dans lesquels elles travaillent, pour orienter leur planification de programmes.
  • Parmi les projets participants, aucune approche systématique n’a été relevée concernant l'analyse de la situation en termes de droits de l'homme des lignes politiques correspondantes ou des causes structurelles immédiates et sous-jacentes impactant les droits de l'homme n'a été relevée parmi les projets participants. 

(2)   Planification et conception

  • Trois projets intègrent les principes d'une approche basée sur les droits de l’homme dans la phase de planification et de conception. Cependant, aucune évaluation solide n'a été entreprise pour analyser la capacité des titulaires de droits à revendiquer leurs droits, et celle des garants des droits à remplir leurs obligations.
  • Deux projets sont remarquables en matière de consultation des titulaires de droits lors des étapes de planification et de conception.

(3)   Mise en œuvre

  • Dans cette phase de projet, les principes d'une approche basée sur les droits de l'homme ont été intégrés dans huit projets, principalement grâce à l'approche participative et aux considérations éthiques de la plupart des ONG.
  • La plupart des projets visaient des individus et des communautés comme titulaires de droits (femmes, enfants, enfants avec handicaps, adolescents et jeunes, etc.) ainsi que des garants de droits (principalement l'État et ses fournisseurs de services comme les établissements de soins, les organes exécutifs, les administrations locales).
  • Outre la prestation de services, les tâches essentielles étaient les programmes de renforcement des capacités des titulaires de droits et des garants des droits comme p.ex. des sessions de prise de conscience et de sensibilisation s'adressant la plupart du temps aux groupes ou aux individus marginalisés pour renforcer leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive ou pour soutenir les garants des droits – p. ex. les prestataires de services – à offrir une meilleure prise en charge sanitaire. Ceci incluait le soutien à l'exécution des directives nationales ainsi que l'information des patients sur la qualité qu'ils sont en droit d'attendre et devraient recevoir dans les services de santé.
  • Les garants des droits, p. ex. le personnel de santé, ont été formés pour respecter les directives, et l'équipement médical nécessaire à une prise en charge de haute qualité a été mis à disposition. Dans un projet, des comités basés dans l’établissement ont été mis en place afin de discuter des plaintes relatives aux prestations de services de santé sexuelle et reproductive destinées principalement aux jeunes clients. Les jeunes gens ont été explicitement formés à participer à ces comités, non seulement pour garantir la responsabilisation sociale, mais aussi pour inclure une priorisation juvénile dans la qualité des prestations de services vis-à-vis des jeunes patients.
  • Dans des secteurs thématiques spécifiques (p.ex. traitement du VIH), les ONG rapportent être plus efficaces dans l'amélioration des services de santé en collaboration avec les garants de droits, notamment dans les pays ayant ratifié des traités internationaux ou disposant de directives nationales (droits des enfants p.ex.).

(4)   Surveillance et évaluation

  • Aucun des projets participants ne poursuivait des pratiques de surveillance ou d'évaluation pour montrer comme les changements avaient été réalisés dans la capacité des titulaires des droits à exercer et à réclamer leurs droits et dans celle des garants des droits à respecter, à protéger et à faire face à ces droits.
  • L'étude a identifié une participation limitée des garants des droits et des titulaires de droits à la phase de surveillance et d'évaluation des projets.

Conclusion et recommandation

Cette enquête souligne deux constats.

  1. Les membres de MMS et leurs partenaires les ONG réalisent unecontribution importante pour traduire en acte les droits de l'homme, en se concentrant sur les groupes et les individus les plus marginalisés, sur leur santé sexuelle et reproductive et sur leurs droits.
  2. Cependant, les organisations membres de MMS n'appliquent pas systématiquement les principes d'une approche basée sur les droits de l'homme dans leurs cycles de projets. Ceci pourrait être dû à un manque de clarté conceptuelle concernant l'approche basée sur les droits de l'homme et son application dans la planification des programmes.

En utilisant le cycle de projet comme cadre analytique pour cette étude, on constate qu’un certain nombre de principes (tel que la participation, le partenariat, l’obligation de rendre compte, le renforcement des capacités) sont appliqués dans les différents projets, surtout dans la phase de mise en œuvre. Par contre, l'absence d'une approche basée sur les droits de l'homme dans la planification des programmes était surtout visible pour trois étapes du cycle de planification de programmes: l'analyse de la situation; la phase de planification et de conception; et la surveillance et l'évaluation.

Donc, cette étude recommande d'utiliser le réseau MMS comme une plateforme pour ses organisations membres, afin de mettre en place un échange actif sur les implications conceptuelles et pratiques résultant d'une approche basée sur les droits de l'homme dans la planification des programmes.

Jana Gerold, Sandra Staudacher-Preite & Sonja Merten

Dr Jana Gerold, Swiss Tropical and Public Health Institute, Sandra Staudacher-Preite, PhD cand., Swiss Tropical and Public Health Institute, Dr Sonja Merten, Swiss Tropical and Public Health Institute,