Prise de position des membres du Réseau Medicus Mundi Suisse

La santé dans la politique extérieure de la Suisse et sa coopération internationale au développement

De Le Réseau Medicus Mundi Suisse

Temps de lecture 22 min

1. S’engager pour le droit à la santé: une priorité indispensable de la coopération internationale au développement !

En printemps 2012, le Conseil fédéral a prée au Parlement son «Message concernant la coopération internationale au développement 2013–2016». Ce message et ses principa-les assertions serviront de base aux programmes de coopération internationale de la Suisse ces prochaines années. Le Réseau Medicus Mundi Suisse approuve du Message 2013–2016 le renforcement de l’engagement de la Suisse en faveur du droit à la santé.

La santé est un déterminant clé du développement social et économique à travers le monde. Les défis sanitaires, par exemple la lutte contre les maladies infectieuses, dépassent les frontières nationa-les et doivent être abordés dans le cadre d’une politique globale intégrant à parts égales la politique intérieure, la politique de développement et la politique extérieure, mais aussi la politique économi-que. C’est pour la première fois en 2006 que le rôle crucial de la santé et la nécessité d’une politique cohérente en la matière ont été inscrits dans une politique extérieure de la santé par les Départe-ments compétents.

Les organisations réunies au sein du Réseau Medicus Mundi Suisse exhortent la Suisse à intégrer dans sa politique de développement et sa coopération internationale le droit fondamental de tous les êtres humains à la santé, et attendent de ses institutions qu’elles se mobilisent pour la réalisation de ce droit. Cela n’est pas seulement souhaitable, mais nécessaire, car:

La santé est un droit humain. Tous les êtres humains ont le même droit au bien-être physique, psychique et social. Le droit à la santé implique en particulier le même droit pour tous les êtres humains d’avoir accès à des prestations de santé qui leur permettent de promou-voir et de préserver leur santé, de se prémunir contre les maladies et de se faire traiter et soi-gner pour les maladies et infirmités dont ils sont atteints. La santé est en outre en étroite inte-raction avec des facteurs politiques, économiques, sociaux et climato-écologiques. Le droit à la santé doit être promu en même temps que la justice sociale, les perspectives économiques, le développement écologique durable et la paix.

La promotion et la protection de la santé des êtres humains est le fondement de tout développement économique et social et, in fine, de la paix mondiale.

La santé représente un défi mondial majeur. Son importance est grande également pour la sécurité intérieure et la souveraineté de la Suisse. L’amélioration du bien-être social et économique des personnes défavorisées dans les pays en développement, y compris sur le plan de la santé, aide à prévenir la destruction de ressources naturelles, les flux migratoires et les épidémies planétaires.

Les inégalités quant aux perspectives de vie et à l’état de santé entre les pays de l’OCDE et les pays en développement, de même qu’au sein des différents pays, continuent de s’accroître. Un monde autant marqué par les inégalités n’est ni stable, ni sûr, ni juste.

Plus d’un milliard d’êtres humains ne jouissent pas d’un accès suffisant à des soins de santé de base. Le risque pour une femme de décéder durant la grossesse ou lors de l’accouchement est 180 fois plus élevé en Afrique subsaharienne qu’en Suisse.

L’importance de la santé pour le développement social et économique trouve son reflet dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD, en anglais: Millennium Development Goals, MDGs) des Nations Unies: trois des huit OMD se rapportent directement à la santé.

Les objectifs fixés par l’ONU pour l’année 2015 montrent la voie à suivre et sont indispensables à la réalisation du droit à la santé, mais ils demeurent insuffisants : les questions de justice sociale, de parité femmes-hommes, d’accès égalitaire à la santé et de renforcement des systèmes de santé, tout comme l’importance des déterminants sociaux de la santé, ne sont pas suffisamment prises en compte. S’agissant des OMD, des avancées ont bien été accomplies ces dernières années, mais elles sont inégalement réparties et insuffisantes pour atteindre les buts. Si le développement économique et les programmes sociaux ont permis dans certains grands pays une amélioration des indices glo-baux, les groupes de population les plus pauvres et vulnérables continuent d’être discriminés et défa-vorisés.

Objectifs du Millénaire pour le développement: un bilan provisoire

  • OMD 4: Réduire de deux tiers la mortalité infantile. Le nombre d’enfants qui décèdent chaque année avant d’atteindre leur cinquième année a diminué d’environ un tiers au cours des vingt dernières années, reculant de 12,4 millions (1990) à 8,1 millions (2009). La probabilité de décès d’un nourrisson ou d’un enfant en bas âge reste cependant deux à trois fois plus élevée dans les ménages ruraux défavorisés des pays pauvres que dans les ménages riches de ces mêmes pays.
  • OMD 5: Réduire de trois quarts la mortalité maternelle. Globalement, la mortalité maternelle a reculé de 34% entre 1990 et 2008, pour être ramenée à 290 décès pour 100'000 naissances. On est encore loin de l’objectif, en particulier en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Ces deux régions comptabilisent 87% de tous les décès sur le plan mondial.
  • OMD 6: Enrayer la propagation du VIH/sida, du paludisme, de la tuberculose et d’autres maladies graves, et inverser progressivement la tendance actuelle. Le nombre de nouvelles infections par le VIH a reculé de 21% depuis 1997. Le nombre de personnes séropositives continue cependant d’augmenter, car grâce à la thérapie antirétrovirale, les personnes infectées par le virus vivent plus longtemps. A fin 2010, 34 millions de personnes vivaient avec le VIH/sida. Dans la lutte contre le paludisme, le nombre de personnes décédant de cette maladie a été diminué de 20%, passant de 985'000 personnes en 2000 à 781’000 en 2009.

    Source: The Millennium Development Goals Report. Rapport intermédiaire 2011

 

2. Politique de développement et coopération internationale en matière de santé : fixer des priorités stratégiques répondant aux besoins des personnes défavorisées!

Le Réseau Medicus Mundi Suisse exhorte les autorités à considérer en premier lieu les besoins des personnes défavorisées et à intégrer les défis futurs de la santé mondiale dans une politique extérieure en matière de santé cohérente. (Context Analysis: Current Trends and Future Challenges in Global and International Health.) Fixer des priorités stratégiques pour l’amélioration de la justice sociale et l’égalité, en particulier entre femmes et hommes, aiderait à mieux garantir le droit de tout être humain à la santé.

Les stratégies et mesures visant l’amélioration de la santé dans la coopération bilatérale et multilaté-rale, l’aide humanitaire et la coopération technique avec l’Est doivent être harmonisées entre elles et œuvrer en synergie.

Les organisations réunies au sein du Réseau Medicus Mundi Suisse demandent aux offices fédéraux compétents, notamment à la DDC/Aide humanitaire et au SECO, de poser des accents stratégiques clairs dans la politique suisse du développement en matière de santé, en donnant la priorité aux thé-matiques et stratégies à l’égard desquelles la Suisse peut faire valoir une expertise particulière. Au regard de l’expérience des acteurs suisses, la politique de développement et de la coopération inter-nationale devraient en particulier appuyer:

• Le renforcement des systèmes de santé pour de meilleurs soins de base et pour un accès égalitaire, avec une priorité sur la santé sexuelle et reproductive et la santé des enfants, complété par des programmes et objectifs spécifiques à certaines maladies.

• L’encouragement des structures décentralisées dans le domaine de la santé et l’intégration de la société civile, en particulier des organisations non gouvernementales, dans les processus de décision.

• Une action coordonnée sur les facteurs qui influencent la santé (déterminants de la santé).
Nous abordons ci-après ces thématiques de manière un peu plus détaillée:

2.1. Renforcement des systèmes de santé pour de meilleurs soins de base et pour un accès égalitaire

Dans le cadre de la politique extérieure et la coopération internationale en matière de santé, la Suisse doit résolument s’engager dans le renforcement de systèmes de santé, afin que ceux-ci soient en mesure de garantir à toute la population un accès égalitaire à des prestations de qualité.

Il est démontré que la manière la plus efficace d’améliorer le niveau de santé de la population est de garantir le bon fonctionnement des soins de santé primaire et de les adapter aux besoins des indivi-dus et des groupes qui la composent. Des services de santé de bonne qualité et équitablement finan-cés, également accessibles aux personnes démunies, constituent l’un des préalables pour atteindre des objectifs à long terme, comme par exemple l’abaissement de la mortalité maternelle ou l’éradication de certaines maladies.

Si le renforcement de systèmes de santé nationaux dans des sociétés à ressources limitées doit, selon nous, être une priorité stratégique de la coopération suisse en matière de santé, c’est aussi parce que le système de santé suisse, de même que les instituts suisses de recherche et les ONG, peuvent pro-poser des modèles et expertises pertinents pour les pays en développement.

La coopération avec des organisations internationales doit en outre être renforcée dans les régions frappées par des crises, conflits ou catastrophes. Au-delà des mesures d’urgence destinées à sauver des vies, l’effort doit porter tout particulièrement sur la promotion des soins de santé, l’approvisionnement en eau potable, l’assainissement et la mise en place de conditions cadres permet-tant ultérieurement des démarches de développement.

Les systèmes de santé englobent des services essentiels en termes de promotion de la santé, de prévention et de traite-ment. Parmi les domaines prioritaires du renforcement des systèmes de santé figurent l’amélioration de la gouvernance et de la gestion, la mise en place de modèles de financement durables et équitables, l’emploi de personnel de santé qualifié et motivé, ainsi qu’un approvisionnement continu en médicaments, vaccins et autres technologies médicales. Mais pour renfor-cer les systèmes de santé, il importe également que soient développées les lois et règlementations y relatives, de même que des stratégies de santé au plan national.
Source: Everybody's Business OMS 2007

2.1.1. Santé sexuelle et reproductive et santé des enfants

Le renforcement de la santé et des droits sexuels et génésiques doit être, davantage encore que jusqu’à présent, une priorité de la coopération suisse en matière de santé.

Une des raisons principales du choix de cette priorité est le fait que les progrès relatifs à l’OMD 5 – abaissement de la mortalité maternelle – sont très insuffisants et sont un des marqueurs les plus cho-quants des inégalités entre pays riches et pays défavorisés. L’amélioration de la santé sexuelle et re-productive, la protection contre les maladies sexuellement transmissibles – VIH compris – et la pro-motion de la santé des enfants pourraient jouer un rôle clé dans la réalisation de progrès plus mar-qués. A cet effet, des mesures d’amélioration des services de santé, mais aussi de renforcement des capacités des individus, des familles et des communautés (empowerment), sont indispensables. Tous les êtres humains, mariés ou célibataires, femmes et hommes, adolescentes et adolescents, doivent, avoir le même accès à des informations et services en matière de santé sexuelle et reproductive. Nous retenons par ailleurs, que l’amélioration de la santé maternelle et des enfants a des effets très importants sur le développement et notamment sur l’éducation.

2.1.2. Programmes et objectifs spécifiques à certaines maladies

La Suisse doit continuer de soutenir et promouvoir des programmes ciblés, spécifiques à certaines maladies.

Il existe une étroite interrelation entre les interventions spécifiques à certaines maladies et le renfor-cement des systèmes de santé : les approches verticales spécifiques à telle ou telle maladie sont tri-butaires du bon fonctionnement des systèmes de santé ; inversement, la réduction du fardeau de certaines maladies décharge les systèmes de santé et leur permettent de renforcer leurs démarches préventives et de promotion de la santé. La lutte contre des maladies spécifiques ne doit pas se faire isolément, mais être intégrée aux soins de santé primaires.

Les maladies transmissibles comme le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme demeurent une ur-gence majeure pour la santé des personnes défavorisées. Les maladies tropicales négligées, qui tou-chent 1,2 milliard d’individus, doivent également figurer sur l’agenda de la coopération suisse au déve-loppement. S’y ajoutent désormais les maladies non transmissibles telles que les affections cardiovas-culaires, le cancer et le diabète, qui grèvent de plus en plus les systèmes de santé des pays du Sud et de l’Est à ressources limitées, pays où elles représentent aujourd’hui 46% de la charge de morbidité.

2.2. Encouragement de structures décentralisées dans le domaine de la santé et inté-gration de la société civile dans les processus de décision, en particulier des organisa-tions à non gouvernementales

La Suisse doit encourager le développement de structures décentralisées dans le do-maine de la santé et la participation de la société civile aux décisions liées aux politiques de développement, ainsi qu’à leur mise en œuvre et leur contrôle.

Le renforcement de structures décentralisées rapproche les décisionnaires de la population et per-met une prise en compte plus directe de celle-ci dans l’analyse, la planification et la mise en œuvre. Ceci est déterminant pour assurer la fourniture de soins de santé performants et adaptés. Forte de sa tradition de démocratie directe, de son expérience des avantages et inconvénients des structures fédéralistes ainsi que de l’expériences acquise dans le cadre de sa coopération internationale, la Suisse peut apporter ici son savoir-faire.

De par leurs relations directes avec les communautés locales, les organisations de la société civile jouent un rôle important dans l’amélioration de la situation sanitaire, tout spécialement des person-nes les plus défavorisées : ces organisations se mobilisent pour le droit de tous les êtres humains à une prise en charge globale en matière de santé, prise en charge qui doit être accessible, abordable et orientée vers les besoins des individus. Elles assurent des prestations en matière de soins de santé primaires et d’éducation à la santé, et elles demandent des comptes à l’Etat lorsque celui-ci ne satis-fait pas à ses obligations.

2.3. Déterminants de la santé

Outre le renforcement des systèmes de santé, la coopération suisse au développement doit agir sur des facteurs qui exercent une influence – positive ou négative – sur la santé (déterminants de la santé).

Une grande partie des problèmes de santé à l’échelon individuel comme à l’échelon collectif peut être imputée aux conditions sociales, économiques, politiques et environnementales dans lesquelles les individus vivent et travaillent.

Par déterminants sociaux de la santé, on entend les conditions dans lesquelles les individus naissent, grandissent, tra-vaillent et vieillissent, et qui exercent une influence sur leur santé. Ces conditions sont déterminées par la répartition de l’argent, du pouvoir et des ressources aux niveaux mondial, national et local, et ces facteurs eux-mêmes sont influencés par des décisions politiques. Les déterminants sociaux, économiques et politiques de la santé sont responsables au premier chef de la répartition inégale de la santé au sein d’un pays et entre les différents pays.

Source: Closing the gap in a generation. Commission on Social Determinants on Health Final Report 2008

Dans le cadre d’une politique globale de la santé, il importe de s’attaquer, tant au niveau local qu’au niveau mondial, aux causes des déficits de santé et des inégalités dans la distribution sanitaire, en coordination et en collaboration avec d’autres secteurs de la coopération internationales et de la politique extérieure, de la politique du développement et de la politique économique de la Suisse. En même temps, la cohérence des objectifs nationaux et internationaux doit être renforcée dans le ca-dre de la politique extérieure suisse de la santé.

3. Politique extérieure en matière de santé et coopération internationale au développement: concrétiser les priorités stratégiques sur un mode partenarial à tous les niveaux!

Pour que la coopération suisse au développement concrétise efficacement ses priorités stratégiques dans le domaine de la santé, le Réseau Medicus Mundi Suisse attend une collaboration étroite impliqués à tous les échelons local, régional, national et mondial.

Les différents acteurs, qu’ils soient publics, privés, issus de la société civile ou encore des organismes internationaux doivent dans ce cadre être pris en compte et respectés, chacun dans son rôle et ses tâches spécifiques.

3.1. Coopération et dialogue politique

La Suisse doit, par un dialogue politique, une démarche de consultation et des méca-nismes de financement adaptés, appuyer les gouvernements des pays partenaires de la coopération au développement dans l’élaboration et la mise en œuvre de réformes vi-sant à renforcer le système de santé et à assurer un meilleur accès des groupes de popu-lation les plus démunis à des soins de santé de qualité.

L’harmonisation de l’aide avec d’autres contributeurs, ainsi qu’un engagement à long terme auprès des pays partenaires, constituent des conditions nécessaires à la mise en place de systèmes de santé performants et durables. De même, il importe d’œuvrer auprès des gouvernements des pays parte-naires pour faire en sorte que la société civile soit associée activement au dialogue sur la santé, au processus de formulation de la politique de santé et à la mise en œuvre d’une politique de santé na-tionale. Il ne s’agit pas là d’une tâche facile; même en Suisse, la politique de la santé échoue parfois à associer la société civile. Les ONG ont un rôle important à jouer pour mener à bien cette prise en considération de la société civile.

3.2. Promotion de modèles de santé novateurs aux échelons local, régional et national

A l’échelon local (dans les communes et districts), mais aussi au-delà, la Suisse doit sou-tenir et encourager des organisations et institutions locales (ONG, instituts de recher-che, etc.) dans le développement et la mise en œuvre de modèles innovants et promet-teurs en matière de soins de santé de qualité.

Il existe dans le domaine de la santé un potentiel considérable et encore inexploité d’«innovation par le bas». Il arrive fréquemment que des petites organisations et institutions à l’échelon local ou régio-nal développent et mettent en œuvre avec succès des modèles innovants et prometteurs de soins de santé, parfois avec l’appui d’œuvres d’entraide et organisations suisses. Il importe de favoriser la re-connaissance de modèles prometteurs, leur passage progressif à plus grande échelle et enfin leur intégration dans les processus nationaux, voire internationaux, afin de contribuer à la mise en place de systèmes de santé efficaces, efficients, durables et plus équitables.

3.3. Santé et gouvernance mondiales: un chantier

S’agissant de ses priorités stratégiques, la Suisse doit soutenir des programmes de santé internationaux et globaux, et s’impliquer dans des forums mondiaux en faveur de l’amélioration de l’efficacité et l’harmonisation de la coopération au développement.

Le nombre croissant de défis de santé d’ampleur planétaire exige des approches et des solutions allant au-delà de la coopération régionale ou bilatérale au développement, ces défis ne pouvant pas être relevés par un seul pays ni par un partenariat entre deux ou plusieurs pays. La santé est un bien public mondial qui requiert une responsabilité collective planétaire, une politique globale cohérente et une gouvernance mondiale solide.

A travers une participation financière appropriée et une représentation techniquement compétente, la Suisse peut contribuer activement à la politique et aux processus de décision dans les instances de l’ONU et d’autres institutions multilatérales. A cet égard, nous attendons notamment de la Suisse qu’elle se mobilise en faveur d’une prise en compte forte et systématique de la société civile dans les processus d’élaboration de la politique de santé mondiale.

La Suisse doit s’engager en faveur de processus de décision démocratiques dans les or-ganisations multilatérales importantes.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) revêt une importance particulière. Elle doit être à la hau-teur de son rôle de leader et être en mesure de coordonner les efforts internationaux et les politi-ques, en jouant un rôle normatif au-dessus des intérêts particuliers, en vue de la réalisation du droit à la santé pour toutes et tous. Afin de pouvoir assumer cette fonction, l’OMS doit être renforcée en tant qu’instance de coordination d’une véritable politique mondiale de la santé. Nous espérons qu’ainsi les stratégies et programmes de santé mondiaux seront davantage orientés vers les besoins et possibilités des personnes défavorisées. (Delhi Statement)

3.4. Accroissement de l’engagement financier de la Suisse

La Suisse doit adapter sa contribution financière à la résolution des problèmes de santé dans le monde: l’apport de la Suisse à la santé internationale doit être porté à 10% au moins de son aide publique au développement.

Dans le domaine de la coopération internationale en matière de santé, la Suisse est à la traîne en comparaison européenne. En 2009, elle a dépensé 140 millions de francs pour des programmes et mesures internationaux dans le domaine de la santé. Ce chiffre représente 7,9% de l’aide publique suisse au développement. Avec seulement 0,025% du revenu intérieur brut (RIB) consacré à la pro-motion de la santé et à l’aide médicale dans les pays du Sud et de l’Est, la Suisse se classe avant-dernière, juste devant l’Italie, dans la comparaison entre pays de l’OCDE.

3.5. Politique extérieure cohérente, globale et crédible en matière de santé

La Suisse doit, davantage qu’elle ne l’a fait jusqu’ici, harmoniser ses positions, ses stra-tégies et ses actions. Elle doit améliorer la cohérence de ses politiques de santé natio-nale et internationale avec sa politique extérieure et ses politiques en matière d’économie, de commerce, d’emploi, de migration et d’environnement.

De nombreux secteurs clés pour la réalisation de l’objectif «santé pour tous» se situent hors du strict secteur de la santé, par exemple la création d’une stabilité et d’une sécurité sociale, l’élimination de la pauvreté, l’accès à la formation et au travail, à l’eau potable et à l’alimentation, la lutte contre les violences et l’oppression, ou encore l’engagement pour la préservation des ressour-ces naturelles.

Les organisations regroupées au sein du Réseau Medicus Mundi Suisse exhortent la Suisse à promou-voir activement le droit de tous les individus à la santé, et cela dans tous les domaines politiques, en particulier en politique économique et en politique intérieure, et qu’elle poursuive globalement une politique reflétant notre volonté d’être un membre solidaire de la communauté internationale. (Ade-laide Statement on Health in All Policies.)
Cela implique notamment que toute mesure ou orientation politique soit examinée quant à son im-pact sur la santé des êtres humains et ses déterminants . La Suisse doit pour ce faire s’aligner sur des stratégies et directives d’organisations onusiennes ayant été négociées de concert par les Etats mem-bres et dans lesquelles la Suisse est partie prenante.

Cohérence? Cohérence!

Le Code de pratique de l’OMS en matière de recrutement international de personnels de santé (2010), adop-té à l’unanimité – avec la voix de la Suisse – par l’Assemblée mondiale de la santé, fixe un cadre pour empêcher le recrute-ment incontrôlé de personnel hospitalier et para-hospitalier dans des pays aux ressources limitées.

Une politique cohérente implique de trouver en Suisse même et non dans des pays en développement – au détriment de leurs systè-mes de santé – les moyens de pallier à la pénurie de personnel de santé constatée en Suisse.

Le Plan d’action de l’OMS sur la santé publique, l’innovation et la propriété intellectuelle (2008) donne un cadre assurant une recherche en santé tournée vers les maladies qui touchent essentiellement les pays en développement; ce plan règle aussi les questions de propriété intellectuelle. Et la Déclaration politique de l’ONU sur le VIH/sida (2011), soutenue par la Suisse, stipule que les flexibilités dans le domaine du commerce et de la propriété intellectuelle définies dans la Déclaration de Doha de l’OMC sur les ADPIC et la santé publique (2001), doivent être pleinement utilisées pour que l’on puisse s’attaquer aux barrières, réglementations, politiques et pratiques empêchant l’accès à des médicaments antisida abordables (génériques).

Une politique cohérente implique que les délégations helvétiques au sein d’instances internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Organisation européenne des brevets (OEB), effectuent une pesée entre les intérêts économiques de l’industrie pharmaceutique suisse pratiquant la recherche et les obligations découlant de plans et conventions internationaux dans le domaine de la santé, et ne poursuivent pas une politique économique extérieure unilatérale.

La politique extérieure est aussi, et de plus en plus, une « politique intérieure mondiale », au sein de laquelle les divergences et tensions entre les intérêts nationaux et les problématiques mondiales doi-vent être abordées dans le cadre d’un dialogue permanent, et les mesures harmonisées les unes aux autres. Dans ce sens, la politique extérieure de la santé apporte avant tout une contribution à la ré-solution des problèmes de santé planétaires dans le cadre de la communauté mondiale. La politique extérieure de la Suisse en matière de santé doit ainsi tout à la fois prendre en considération les pro-blèmes qui menacent la santé et le bien-être de la population helvétique, mais aussi, compte tenu de sa capacité financière et de son expertise participer à la résolution de problèmes de santé planétaires.

La Suisse doit, au sein d’un processus démocratique, développer ses positions dans le domaine de la santé internationale et dans celui de la politique extérieure de la santé.

Les organisations regroupées au sein du Réseau Medicus Mundi Suisse encouragent la Suisse à déve-lopper une pratique exemplaire dans le domaine clé et sensible de la gouvernance: les objectifs, prio-rités et positions de la politique extérieure suisse de la santé ne devraient plus être définis derrière des portes closes de l’Administration fédérale, mais dans le cadre d’un processus participatif démo-cratique et transparent associant activement les différents acteurs, y compris les organisations de la société civile. La bonne gouvernance commence d’abord chez soi.

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