Le Comité des Nations Unies envisage l’inclusion du handicap dans la coopération internationale suisse
Les Nations Unies Genève. Photo: © CBM

Les gouvernements sont régulièrement examinés sur l’état d’avancement de leur adhésion et de l’implémentation des divers traités relatifs aux droits de l’homme signés. En mars 2022, c’était au tour de la Suisse d’être évaluée par les 18 experts internationaux appartenant au Comité des Nations Unies chargé du suivi de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).

Pendant trois matinées, les membres du Comité ont examiné la mise en œuvre de la Convention par la Suisse, tant au niveau national qu’au niveau international. La délégation suisse semblait prête - peut-être même trop préparée - avec ses réponses.

L’examen s’est déroulé de plusieurs façons et avec une grande partie de la délégation participant virtuellement. Après quelques problèmes techniques apparemment sans fin du côté de la Suisse le premier jour, l’examen s’est déroulé comme prévu. Le Comité a posé de nombreuses questions au gouvernement suisse sur la mise en œuvre de la Convention dans le cadre de sa coopération internationale et a donc publié plusieurs recommandations clés destinés à la Suisse.

Nous avons trouvé que les réponses de la Suisse étaient concises, mais plutôt générales et ne répondant pas aux spécificités demandées par le Comité.

Par exemple, un membre du Comité demande : « Comment la Suisse peut-elle garantir une approche cohérente et intégrée de l’inclusion des personnes handicapées dans le cadre de la coopération internationale et s’assurer qu’elle ne sépare pas les personnes handicapées ? »

Un autre pose la question suivante : « Comment les femmes et les filles handicapées ont-elles été insérées dans la coopération internationale et les questions d’égalité des sexes ? »

Nous avons suivi le processus de près et nous nous sommes engagés directement à Genève. Nous avons trouvé que les réponses de la Suisse étaient concises, mais plutôt générales et ne répondant pas aux spécificités demandées par le Comité.

« La Suisse possède une beauté naturelle abondante et une richesse de ressources. Le classement au 3ème rang à l’indice de développement des Nations Unies est une reconnaissance de cette richesse. L’essence de notre dialogue est de savoir si les personnes handicapées en Suisse participent à ce niveau élevé de développement et jouissent de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales sur un même pied d’égalité. »

  • Rosemary Kayess, Rapporteur de pays sur la Suisse, Membre du Comité de la CDPH
Salle de conférence de l'ONU à Genève. Photo: © Chantal Baumgarten
Salle de conférence de l'ONU à Genève. Photo: © Chantal Baumgarten
Il n’existe pas d’approche consistante du handicap dans l’ensemble du travail de la Suisse à l’échelle internationale.

Qu’est-ce que le Comité des Nations Unies a recommandé ?

Dans ses recommandations – également connues sous le nom d’ « Observations finales » – à l’intention de la Suisse, le Comité a suggéré des actions dans les domaines suivants, en se référant explicitement à l’implémentation sur le plan de la coopération internationale et de l’action humanitaire de la Suisse:

  • Assurer la participation significative et active des personnes handicapées aux stratégies et programmes ainsi qu’aux objectifs de développement durable ;
  • Intégrer les droits des femmes handicapées dans les stratégies et programmes de coopération internationale et assurer leur participation effective ;
  • Adopter un plan d’action pour mettre en œuvre la Charte sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire ;
  • Collecter et désagréger les données sur le handicap de tous les programmes humanitaires et de développement ;
  • Adopter des lignes directrices pour veiller à ce que tous les programmes de coopération internationale soient inclusifs ;
  • Appliquer systématiquement le marqueur d’invalidité du CAD de l’OCDE.

Ces recommandations reflètent les lacunes qui subsistent pour parvenir à une coopération suisse au développement inclusive en faveur des personnes handicapées et renforcent ce que nous continuons à demander. Elles démontrent que la Suisse a encore quelques mesures de base à prendre, notamment l’adoption de lignes directrices pour garantir que toutes les coopérations internationales et tous les programmes humanitaires sont inclusifs pour les personnes handicapées.

Ces recommandations reflètent les lacunes qui subsistent pour parvenir à une coopération suisse au développement inclusive en faveur des personnes handicapées et renforcent ce que nous continuons à demander.
Deu Kumari (39 ans) est une bénéficiaire de l'Association des femmes handicapées du Népal (NDWA), partenaire de CBM. Photo: © CBM<br>
Deu Kumari (39 ans) est une bénéficiaire de l'Association des femmes handicapées du Népal (NDWA), partenaire de CBM. Photo: © CBM

Absence d’un ensemble global de lignes directrices sur le développement inclusif des personnes handicapées

Il n’existe pas d’approche consistante du handicap dans l’ensemble du travail de la Suisse à l’échelle internationale. Il existe des projets isolés sur l’inclusion des personnes handicapées, mais pas une approche globale pour s’assurer que tous les programmes internationaux sont inclusifs. Une telle approche consistante contribuerait également à faire en sorte que la Suisse ne finance pas de projets de développement qui favorisent la ségrégation des personnes handicapées. Il n’y a actuellement aucun mécanisme en place pour s’assurer que cela ne se produise pas.

Le Comité l’a réaffirmé dans ses observations finales, appelant le gouvernement suisse à adopter des directives concrètes pour veiller à ce que tous les programmes de coopération internationale soient inclusifs et harmonisés avec la Convention et n’aboutissent pas à la ségrégation des personnes handicapées.

Le Comité a également recommandé d’intégrer les droits des femmes et des filles handicapées dans toutes les initiatives de coopération internationale et humanitaires visant à promouvoir l’égalité des sexes.

Mettre l’accent sur les femmes handicapées

Le Comité a également recommandé d’intégrer les droits des femmes et des filles handicapées dans toutes les initiatives de coopération internationale et humanitaires visant à promouvoir l’égalité des sexes. Dans le cadre du Swiss Disability and Development Consortium, nous avons fait ressortir la nécessité d’inclure les femmes handicapées dans la conception et la mise en œuvre des programmes de développement. Une exposition Photovoice intitulée «My Lens My Reality» et une étude d’accompagnement menée par l’Université de Berne ont été lancées auxNations Unies à Genève lors de la révision de la CDPH, coïncidant avec la Journée internationale de la femme. L’étude et l’exposition présentent dix femmes handicapées du Népal illustrant ainsi les entraves et les aides de leur inclusion à travers des photographies.

Une participante à Photovoice se tient à côté de son portrait lors du vernissage de l'exposition au Népal. Photo: © CBM <br>
Une participante à Photovoice se tient à côté de son portrait lors du vernissage de l'exposition au Népal. Photo: © CBM

« Nous encourageons vivement les acteurs internationaux du développement à consulter régulièrement les femmes handicapées lors de la conception et de l’implémentation de stratégies et de programmes. Car les femmes handicapées sont les expertes des questions qui affectent nos vies. »

  • Mirjam Gasser, CBM Suisse et Swiss Disability and Development Consortium

La Suisse doit adopter une «approche double» en veillant à ce que les efforts de coopération internationale de la Suisse atteignent toutes les personnes, y compris les femmes et les filles handicapées, à la fois en intégrant leurs préoccupations et en les ciblant.

Et ensuite ?

Le gouvernement suisse doit maintenant mettre en œuvre ces recommandations et présenter les progrès réalisés lors de la prochaine évaluation en 2028. Cela est particulièrement important compte tenu de la réorganisation interne actuelle de la Direction du développement et de la coopération (DDC) où l’inclusion du handicap doit figurer au cœur des responsabilités. Nous restons déterminés à suivre de près ce processus et à apporter notre soutien là où cela s’avère nécessaire pour parvenir à une coopération suisse au développement pleinement inclusive.


References
Chantal Baumgarten
Chantal Baumgarten: Cheffe de projet, Plaidoyer pour CBM Suisse et Coordinatrice du Swiss Disability and Development Consortium (SDDC). Email